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L'Ouganda mise sur la circoncision non-chirurgicale pour lutter contre le sida

L'Ouganda mise sur la circoncision non-chirurgicale pour lutter contre le sida

Etendu sur un lit d'hôpital de Kampala, pantalon aux chevilles, Justin Igalla discute au téléphone pendant qu'un infirmier s'affaire à lui poser sur le sexe un dispositif de circoncision innovant, adopté dans des programmes de lutte contre le sida en Ouganda et plusieurs pays d'Afrique subsaharienne.

Le dispositif, baptisé PrePex et constitué de deux anneaux de plastique et d'un élastique, va couper la circulation sanguine vers le prépuce, provoquant sa nécrose.

La pose est réalisée en quelques minutes et Justin n'a pas terminé sa conversation que l'infirmier lui remonte son pantalon. Il reviendra se faire retirer l'élastique et la peau morte du prépuce une semaine plus tard.

A la différence de la circoncision classique, le PrePex n'implique pas de geste chirurgical, ne fait pas couler de sang, donc limite le risque d'infection.

Avec ce dispositif simple, peu onéreux et réputé non douloureux, l'Ouganda espère convaincre de nombreux hommes de se faire circoncire, afin de lutter contre l'épidémie de sida, qui connaît un regain dans le pays.

Le dispositif est également utilisé au Botswana, au Kenya, en Mozambique, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Zambie et d'autres pays de l'Afrique sub-saharienne.

A la faveur d'un programme réussi de sensibilisation, prônant la stratégie ABC (Abstinence, Being faithfull, Condom - Abstinence, Fidélité, Préservatif, en français) le taux de prévalence en Ouganda a chuté de 18% en 1992 à 6,4% en 2005, avant de repartir à la hausse pour s'établir à 7,3% en 2011, selon les chiffres officiels. 80.000 personnes y meurent du sida chaque année.

Des études menées en Ouganda, au Kenya et en Afrique du Sud tendent à montrer que la circoncision diminue d'environ 60% les risques de transmission du VIH (virus du sida) d'une femme vers un homme, explique le Dr Barbara Nanteza, responsable du programme circoncision au service de prévention du sida du ministère ougandais de la Santé.

Même si la validité de ces études est critiquée, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l'Onusida prônent depuis 2007, comme moyen de prévention supplémentaire, des campagnes de circoncision dans les pays à forte prévalence où la transmission du VIH est essentiellement hétérosexuelle.

L'Ouganda, longtemps salué pour ses efforts couronnés de succès dans la lutte contre le sida, a donc lancé un programme de circoncision en 2010. Cette année-là environ 9.000 hommes ont été circoncis.

Depuis lors, environ 1,2 million d'hommes ont été circoncis, soit quelque 13% de la population masculine âgée de plus de 15 ans, selon les chiffres officiels. Et l'utilisation du Prepex devrait augmenter ces chiffres.

Les gens "n'aiment ni la douleur ni les injections dans le pénis et c'est difficile pour eux d'expliquer à leur femme qu'ils veulent se faire circoncire pour se protéger d'une infection du VIH alors qu'ils sont censés lui être fidèles", ironise l'énergique médecin d'une trentaine d'années.

Il lui faut aussi se battre contre une série de mythes et de préjugés, dont la rumeur selon laquelle les prépuces sont ensuite utilisés "pour faire du baume à lèvres".

Elle espère que le PrePex va au moins faire tomber les réticences liées à la douleur et à l'aspect chirurgical. La pose dure "30 secondes max" et est effectuée par un simple technicien spécialement formé et non par du personnel médical, explique-t-elle.

"Je ne sens rien, même pas un petit inconfort", confirme Justin, père de deux enfants qui dit avoir fait le choix de la circoncision pour des "raisons d'hygiène", estimant qu'un sexe circoncis est plus propre, et "pour diminuer les risques de maladies sexuellement transmissibles et de contamination par le VIH".

Malgré les campagnes de sensibilisation, les patients qui se présentent sont souvent très mal informés sur la circoncision, estime James Brian, chargé d'informer les candidats à l'opération: "beaucoup pensent qu'après la circoncision ils en auront fini avec le VIH".

C'est l'un des principaux arguments des adversaires du dispositif qui craignent que, se sentant immunisés, les hommes circoncis cessent de se protéger. De plus, la circoncision ne réduit pas le risque de contamination des hommes vers les femmes.

"La circoncision détourne de manière inutile les moyens d'alternatives plus efficaces, moins chères et moins mutilantes (...) les programmes de circoncision vont très certainement faire augmenter le nombre d'infections par le VIH", écrivaient en 2011 deux médecins chercheurs de l'Université du Michigan, aux Etats-Unis, dans le Journal of Public Health in Africa.

La circoncision n'est pas présentée en Ouganda comme un "remède miracle", se défend Barbara Nanteza. "Les gens doivent continuer à suivre l'ABC", la circoncision "n'est utilisée que comme une méthode additionnelle de prévention du VIH", ajoute-t-elle.

Le travail de prévention et d'information sur les dangers du VIH et sur les comportements à risque reste crucial.

Selon la Banque mondiale, grâce à la politique ABC, "on observe pour tous les âges une forte diminution des rapports sexuels, en particulier chez les jeunes", avec des "implications importantes pour le recul du VIH/SIDA à long terme, d'autant plus qu'il s'agit du groupe le plus actif sexuellement".

eln-ayv/cac

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