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Impuissant face à la menace shebab, le pouvoir kényan sous pression

Impuissant face à la menace shebab, le pouvoir kényan sous pression

Les attentats sanglants qui s'enchaînent au Kenya mettent plus que jamais les autorités sous pression: accusés d'impuissance face aux islamistes somaliens shebab liés à Al-Qaïda, les responsables de la sécurité sont à présent ouvertement appelés à la démission.

Les shebab ont revendiqué deux attaques, perpétrées coup sur coup et en pleine nuit dimanche et lundi, qui ont fait une soixantaine de victimes kényanes près de la côte touristique de l'océan Indien (est).

Si le président kényan Uhuru Kenyatta a nié leur responsabilité, accusant plutôt "réseaux politiques locaux" et "gangs criminels", tous les regards restent tournés vers ces islamistes. Et le gouvernement kényan est sous le feu des critiques.

Les forces de sécurité sont "soit incompétentes soit sans moyens", a estimé l'organisation regroupant les avocats kényans, appelant à la démission le ministre de l'Intérieur Joseph Ole Lenku et le chef de la police David Kimaiyo.

Télévisions privées et quotidiens tirent aussi à boulets rouges sur les autorités, dont la réaction après les tueries a "frisé parfois le ridicule", selon le quotidien Daily Nation.

Le Standard souligne l'ampleur de l'attaque menée dimanche soir contre la localité de Mpeketoni. Avec 49 morts, c'est l'opération la plus meurtrière depuis l'assaut par un commando shebab du centre commercial Westgate de Nairobi en septembre 2013, qui avait fait au moins 67 morts.

"Comment un groupe de 50 hommes lourdement armés a-t-il pu pénétrer dans la localité sans être intercepté par les forces de sécurité?", s'indigne le journal.

Selon les islamistes, les derniers raids sont une réponse à l'intervention du Kenya dans la Somalie voisine - l'armée kényane y combat les shebab au sein de la force africaine Amisom - mais aussi à "l'oppression brutale" visant les musulmans au Kenya.

Selon une source sécuritaire occidentale, les dirigeants kényans, "malgré le danger évident" incarné par les shebab, "se sont détournés du problème", notamment parce qu'ils étaient occupés à contrecarrer la Cour pénale internationale (CPI). Elle accuse le président Kenyatta et son vice-président William Ruto de crimes contre l'humanité pour les violences post-électorales de 2007.

Or, selon des sources concordantes, le Kenya abrite des cellules d'extrémistes islamistes, qui ont leur autonomie tout en partageant l'idéologie des shebab.

Des opérations des forces de l'ordre sur la côte - où les communautés musulmanes accusent le pouvoir d'avoir commis des exécutions extra-judiciaires de chefs musulmans radicaux - ont semé la colère, de même que des rafles de Somaliens et de Kényans d'ethnie somali dans la capitale.

"La réponse du pouvoir à l'insécurité est improvisée, et les opérations qui ont été lancées violaient les droits de l'Homme", pointe George Morara, de la Commission nationale des droits de l'Homme.

De la simple embuscade à l'attentat à la voiture piégée en passant par les opérations commandos, les actions des shebab sont en tout cas de plus en plus sophistiquées.

Face à la colère montante dans l'opinion, le chef de l'Etat a fait savoir mardi que "des officiers de sécurité locaux" ont été suspendus, pour n'avoir pas tenu compte de "renseignements" transmis par leurs hiérarchie sur la perspective de nouvelles attaques.

Mais il n'a annoncé aucune remise à plat du système de sécurité.

Le mois dernier, après les mises en garde de plusieurs pays occidentaux sur les risques d'attaques sur la côte touristique et l'évacuation de touristes, le ministère kényan des Affaires étrangères avait simplement déploré des "actes inamicaux" de ces pays et avait garanti aux visiteurs "une sécurité maximale" durant leur séjour.

De l'avis général, les multiples agences de sécurité restent minées par leurs divisions, mises en lumière lors de l'attaque de Westgate l'an dernier.

Alors que les attaques shebab "changent constamment" de nature, "la sécurité en général va dans la mauvaise direction", juge un diplomate basé à Nairobi, faisant aussi référence à la hausse de la criminalité.

Pour certains Kényans, une première manière de protéger le pays serait de retirer les troupes kényanes de Somalie: "ramenez nos soldats", supplient des citoyens sur les réseaux sociaux.

Une option fermement écartée par l'armée. "Rappeler les troupes ne fera qu'accorder une fausse victoire aux shebab", a averti son porte-parole, le commandant Emmanuel Chirchir.

Au fond, c'est le fonctionnement de l'Etat lui-même et l'attitude de ses représentants qui sont en cause, alertait Edward Clay, ancien ambassadeur britannique au Kenya, dans un récent rapport où il dénonçait une corruption massive.

"Les institutions du Kenya sont tellement corrompues que les fonds importants alloués durant des années à la sécurité ont été détournés pour une large part", accusait-il.

bur-pjm/sas/tmo/de

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