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France: les dernières barres de l'emblématique Cité des 4.000 attendent d'être démolies

France: les dernières barres de l'emblématique Cité des 4.000 attendent d'être démolies

Elles ne sont plus que deux, sur les sept d'origine. Mais accueillent encore 1.900 habitants. Les dernières barres de l'emblématique "Cité des 4.000" à La Courneuve, au nord de Paris, pourraient à leur tour être démolies, ouvrant une nouvelle page pour ce quartier symbole des maux de la banlieue française.

Le "Grand Debussy" en 1986. "Renoir" en 2000. "Ravel" et "Presov" en 2004. "Balzac" en 2011... Depuis 30 ans, les dynamitages se sont succédé dans cette cité populaire que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait promis en 2005 de nettoyer au "kärcher" au lendemain de la mort d'un enfant de 11 ans, victime d'une balle perdue.

Bâtie entre 1959 et 1968 pour loger les mal lotis parisiens et les rapatriés d'Algérie, la cité des 4.000 logements est devenue un ghetto de populations pauvres.

Aujourd'hui, seules deux grandes barres ont été épargnées par les démolitions: Robespierre et le Mail-de-Fontenay, deux bâtiments de 15 étages qui concentrent désormais l'essentiel des difficultés de la Cité.

"La situation ne cesse de se dégrader. Nous avons beaucoup de demandes de départ", constate Stéphane Troussel, élu du département de Seine-Saint-Denis et "enfant" de la barre Ravel.

Ascenseurs en panne, cages d'escalier austères et délabrées, halls d'accueil abandonnés aux squatteurs... Les immenses cubes de béton, coincés entre des contre-allées faisant office de parking et des terre-pleins herbeux où traînent des déchets, offrent un défi multiple aux collectivités.

Faut-il détruire ces gros cargos à la dérive? Les rénover en profondeur? Le débat, ces dernières années, a agité les urbanistes et les élus, sur fond de réflexion sur la mémoire du quartier. "On souhaitait conserver une trace", raconte le maire communiste de La Courneuve, Gilles Poux, jusque-là partisan d'une réhabilitation du "Mail".

Une étude de faisabilité, confiée en 2009 aux architectes Roland Castro et Djamel Klouche, a chiffré à 40 millions d'euros le coût d'une telle opération. Beaucoup trop pour l'agence nationale de rénovation urbaine (Anru) qui a consacré ces dernières années 103 millions d'euros à la refonte du quartier.

"Il y avait un problème de coût, mais aussi des difficultés techniques", explique l'Anru, qui pointe notamment la "hauteur" du bâtiment. Conséquence: les projets de rénovation ont fait long feu, et c'est désormais l'hypothèse de la destruction qui se profile pour les deux bâtiments.

Pour Robespierre, "c'est acté politiquement. L'opération est nécessaire à la cohérence du quartier", assure Gilles Poux. Pour le Mail, "je pense qu'une alternative était possible. Mais nous nous sommes ralliés à la démolition", poursuit le maire. Reste à trouver, dans les deux cas, les financements.

Au pied de Robespierre comme devant le Mail, les habitants semblent dans leur très grande majorité favorables à la démolition. "Ici, c'est sale, les gens jettent leurs poubelles par les fenêtres", tranche Taieb El Hanzouti, père de cinq enfants, en montrant du doigt la façade délabrée, couverte de linge et de paraboles.

"C'est bruyant, on entend tout", abonde Christine Campi, ses deux Yorkshire en laisse. Installée au Mail depuis 33 ans, cette mère de famille assure n'avoir qu'une seule envie: "partir". "Dire que ça fait partie du patrimoine, c'est bizarre... Ca n'est pas une église", estime-t-elle.

En 2011, la destruction de "Balzac" avait suscité une vive émotion parmi les habitants. "Ca peut paraître étonnant. Mais ces barres sont des lieux où ils ont passé une grande partie de leur vie. Ils y sont attachés, même si leurs sentiments sont contradictoires", souligne Bruno Levasseur, ethnologue spécialiste de la Cité des 4.000.

Les attentes, désormais, ont changé. "Les habitants ont vu sortir de terre les nouveaux bâtiments dans le quartier. Ils aspirent au même confort", assure Stéphane Troussel, qui ne voit pas d'alternative à la destruction. "Il faut se mettre au travail. La démolition ne se fera pas dans un ou deux ans, c'est au bas mot cinq ans", martèle l'élu.

Le dynamitage probable des deux dernières barres marquera-t-elle la fin des 4.000? "La cité a déjà été largement reconfigurée, elle n'a plus rien à voir avec les 4.000 d'origine (...) Mais quand ces deux barres seront détruites, on sera dans une autre histoire", concède Gilles Poux.

vab/via/alc/jr

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