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Après l'Argentine, les faillites d'Etat entrent en terrain inconnu

Après l'Argentine, les faillites d'Etat entrent en terrain inconnu

Les Etats acculés à la faillite risquent d'avoir le plus grand mal à obtenir un répit de leurs créanciers et à les convaincre de renégocier leur dette après la défaite de l'Argentine face aux fonds "vautours".

"Ce cas accroît l'incertitude et peut changer les règles du jeu", indique à l'AFP Odette Lienau, spécialiste des restructurations de dette publique à l'université américaine de Cornell.

A l'issue d'une longue guérilla judiciaire aux Etats-Unis, Buenos Aires va devoir rembourser l'intégralité de leur dû à des fonds spéculatifs qui ont toujours refusé toute renégociation de dette après le défaut de paiement partiel de l'Argentine en 2001.

La quasi-totalité des autres créanciers du pays avaient, eux, accepté une décote de près de 70% au cours de deux opérations de restructuration visant à éviter une banqueroute générale.

La présidente argentine Cristina Kirchner a affirmé lundi soir que son pays honorera sa dette.

Avec le rejet de la requête argentine par la Cour suprême des Etats-Unis, l'ensemble du processus est toutefois entièrement bloqué jusqu'à ce que les deux fonds récalcitrants soient remboursés à hauteur de 1,3 milliard de dollars.

Le Fonds monétaire international (FMI) a réagi mardi en se disant "inquiet" des répercussions de ce litige pour "l'ensemble du système". "Nous étudions cette décision avec le plus grand soin", a-t-il ajouté dans un communiqué.

"Ce cas va bien au-delà de l'Argentine parce qu'il compromet les possibilités pour d'autres pays de restructurer leur dette et qu'il renforce le sentiment que les créanciers récalcitrants peuvent obtenir gain de cause", affirme à l'AFP Paulo Nogueira Batista, qui représente notamment le Brésil au sein du FMI mais ne s'exprime pas au nom de l'institution.

Concrètement, les créanciers d'un pays asphyxié financièrement vont désormais être incités à refuser tout compromis dans l'espoir d'obtenir le remboursement intégral de leur dû, majoré par les intérêts.

"Même les créanciers prêts à accepter une restructuration pourraient hésiter en raison du risque que le pays ne puisse pas honorer ses engagements" du fait d'un possible blocage de l'ensemble du processus par d'autres "fonds vautours", souligne par ailleurs Odette Lienau.

Ces opérations sont pourtant cruciales pour les pays en difficulté. Au printemps 2012, la Grèce avait ainsi obtenu un effacement de dette de plus de 100 milliards d'euros, le plus important de l'histoire, afin d'obtenir une petite bouffée d'oxygène.

Une telle opération pourrait désormais n'être qu'un lointain souvenir.

"Si le fait de traiter avec un Etat en défaut de paiement est une source de tracas pour le marché, beaucoup d'investisseurs s'en passeront ou réclameront d'être davantage payés en retour" au risque de grever les finances des Etats, note Anna Gelpern, professeur de droit à l'université de Georgetown.

Les Etats n'ont, de leur côté, guère d'alternative. Si la restructuration leur est impossible, ils ne pourront rembourser leurs créanciers qu'au prix de politiques d'austérité augmentant leurs recettes ou coupant dans leurs dépenses, redoute Mme Lienau.

L'impact potentiellement dévastateur du cas argentin n'a d'ailleurs pas échappé aux grands argentiers du globe.

Les Etats-Unis, la France, le Brésil, le Mexique ou le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz sont intervenus en faveur de l'Argentine, en usant notamment de la procédure d'"Amicus Curiae" permettant de tenter d'influencer la Cour suprême américaine.

"Il ne faudrait pas donner de prime aux créanciers procéduriers", avaient ainsi estimé les autorités françaises.

Le FMI avait un temps voulu peser de son poids dans la balance en conseillant la Cour Suprême mais il avait renoncé, en juillet 2013, face aux réticences américaines.

Dans un rapport remis quelques mois plus tôt, le Fonds n'avait toutefois pas fait mystère de ses inquiétudes suscitées par le cas argentin en mettant en garde contre ses "implications profondes".

Selon les experts, l'épisode argentin met à nouveau en lumière la nécessité de se doter d'un mécanisme international moins dépendant des aléas judiciaires. La proposition portée en 2003 par le FMI avait été rejetée sous la pression des États-Unis et des grands pays émergents.

jt/sl/gde

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