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Turquie: les meneurs de la révolte de 2013 font le procès du régime Erdogan

Turquie: les meneurs de la révolte de 2013 font le procès du régime Erdogan

Les meneurs présumés de la révolte qui a fait vaciller le gouvernement turc en 2013 ont dénoncé jeudi le "procès de la honte" qui s'est ouvert contre eux et accusé le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan de bafouer la démocratie dans son pays.

Deux semaines après les violences ayant marqué le premier anniversaire de la contestation, 26 membres de l'association Taksim Solidarité ont répondu devant la cour d'assises d'Istanbul de très lourdes charges, dont la participation à une "organisation criminelle", pour lesquelles le procureur a réclamé jusqu'à treize ans de prison.

Pendant toute la journée, ces architectes, ingénieurs ou médecins se sont succédé à la barre pour souligner le "ridicule" de ces poursuites et exiger, dans un prétoire tout acquis à leur cause, l'acquittement général.

La prochaine audience a été fixée au 21 octobre.

Tête d'affiche du collectif, Mücella Yapici a ouvert le bal en rejetant l'acte d'accusation et en plaidant l'acquittement général, sous les applaudissements de la salle.

"Vous ne pouvez pas créer une +organisation criminelle+ simplement en disant +je suis contre un centre commercial+. C'est totalement ridicule", a plaidé cette femme âgée de 63 ans qui dirige la chambre des architectes d'Istanbul.

"Le seul but de ce procès est de discréditer notre mouvement", a renchéri un autre accusé, le Dr Ali Cerkezoglu, "il n'a aucun fondement juridique".

"J'ai honte qu'un tel procès ait pu s'ouvrir dans mon pays", a insisté un des avocats de la défense, Turgut Kazan. "Ce dossier ne peut se conclure que par l'acquittement des accusés. Tout jugement contraire serait inconstitutionnel".

Sans précédent depuis l'arrivée de M. Erdogan au pouvoir en 2003, la fronde a débuté fin mai 2013 par la mobilisation d'une poignée de militants écologistes opposés à la destruction du parc Gezi, en lisière de l'emblématique place Taksim d'Istanbul.

Après la violente intervention des forces de l'ordre le 31 mai, ce combat s'est transformé en une vague de contestation contre la dérive jugée autoritaire et islamiste du régime.

Pendant trois semaines, plus de 3,5 millions de Turcs ont défilé dans une centaine de villes lors de manifestations sévèrement réprimées qui se sont soldées par au moins 8 morts, plus de 8.000 blessés et des milliers d'arrestations.

Tous les accusés ont longuement fait jeudi le procès de ces violences policières et mis en cause la dérive autoritaire du gouvernement et de son chef.

"Si vous voulez voir quelqu'un qui nourrit la violence et la haine, il suffit d'écouter les discours du Premier ministre", a lancé Beyza Metin, responsable de la chambre des ingénieurs d'Istanbul. "C'est lui qui a provoqué toutes nos actions et nos manifestations, il est le seul responsable de tout ce qui s'est passé".

Depuis la révolte dite de Gezi, le régime islamo-conservateur a repris fermement la main et s'est appliqué à étouffer dans l'oeuf toute velléité de contestation.

Le 31 mai, M. Erdogan a mobilisé plus de 20.000 policiers qui ont brutalement dispersé les rassemblements, interdits, de commémoration des émeutes de Gezi, procédant à plus de 300 arrestations rien qu'à Istanbul ou Ankara.

Mardi encore, le chef du gouvernement, qui s'apprête à annoncer sa candidature à la présidentielle d'août, a accusé les "gens de Gezi" d'être les agents d'un "complot" contre son régime, coupables d'avoir voulu "semer le chaos".

Dans ce contexte politique tendu, marqué par le vote d'une série de loi renforçant l'emprise du pouvoir sur la justice ou les réseaux sociaux, les accusés de Taksim Solidarité et leurs partisans redoutent d'être lourdement condamnés.

"C'est un procès spectacle, uniquement motivé par la rancune et la politique. Il doit être arrêté dès la première audience", a exigé Andrew Gardner, d'Amnesty International.

"L'accusation a préparé un procès pour dire au reste du pays que les autorités poursuivront sans retenue tous ceux qui contestent et organisent des manifestations contre la politique du gouvernement", a-t-il accusé.

Dans un récent rapport, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a dénoncé l'ambiance de "chasse aux sorcières" en Turquie.

Selon Amnesty International, plus de 5.500 personnes ont été renvoyées devant les tribunaux, parfois au titre de la loi antiterroriste, pour avoir participé à la fronde.

dg-pa/mr

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