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Au Nigeria: le nouvel émir de Kano, un défi pour le président Jonathan

Au Nigeria: le nouvel émir de Kano, un défi pour le président Jonathan

Déjà fragilisé par les violences de Boko Haram, le président nigérian Goodluck Jonathan est confronté à un nouveau défi avec la nomination d'un adversaire politique comme émir de Kano (nord), l'un des dignitaires musulmans les plus influents du pays.

Décidée par le gouverneur de l'Etat de Kano, un ténor de l'opposition, la nomination comme émir de l'ex-gouverneur de la Banque centrale (CBN), Sanusi Lamido Sanusi, est une mauvaise nouvelle de plus pour le chef de l'Etat. Le camp Jonathan ne cesse en effet déjà de perdre du terrain dans le Nord, région majoritairement musulmane meurtrie par les attaques du groupe islamiste Boko Haram. Et en vient à redouter une défaite à la présidentielle de 2015.

Limogé de la tête de la banque centrale en février par M. Jonathan lui-même, M. Sanusi a été choisi dimanche parmi trois personnalités locales par le gouverneur de Kano, Rabiu Kwankwaso, pour devenir le nouvel émir de la région.

Ce poste lui procure une très grande influence sur tout le nord du Nigeria, pays le plus peuplé et première puissance économique d'Afrique.

Vu le caractère stratégique du poste et les relations tumultueuses des derniers mois entre l'ex-patron de la banque centrale, le président Jonathan et le gouverneur de Kano, cette nomination est hautement sensible.

Des affrontements violents ont d'ailleurs éclaté dans les rues de Kano dans la foulée de cette annonce. Le Congrès progressiste (APC), la principale formation d'opposition, a rapidement accusé le Parti démocratique populaire (PDP) du président Jonathan d'inciter à la violence.

Les partisans du fils aîné de l'émir défunt Ado Abdullahi Bayero, décédé vendredi, avaient laissé éclater leur fureur après que le gouverneur Kwankwaso avait écarté la candidature de leur champion.

Certes, souligne Dapo Thomas, professeur de sciences politiques à l'université de Lagos, M. Sanusi, petit-fils d'un émir de Kano, est tout à fait légitime à ce poste.

Mais, "même s'il est censé être apolitique", sa nomination "affecte" le parti du président Jonathan, juge-t-il.

Depuis plusieurs années, le PDP recule dans le Nord, ravagé par cinq ans d'insurrection islamiste de Boko Haram.

De nombreux gouverneurs - la plupart dans le Nord - ont claqué la porte du parti présidentiel pour rejoindre l'opposition. Dont le gouverneur Kwankwaso.

Avec la vague de défections de députés qui s'est produite au même moment et a coûté sa majorité parlementaire au PDP, une défaite du parti présidentiel en 2015 est envisageable. Ce serait la première fois depuis la fin des dictatures militaires en 1999.

Or, le gouverneur Kwanwkaso, récemment conforté par une victoire écrasante de l'APC aux élections locales à Kano, est l'un des candidats potentiels de l'opposition à la présidentielle.

Quant à M. Sanusi, dont l'action avait été louée au Nigeria et à l'étranger à la tête de la banque centrale, il constitue un allié de taille pour l'opposition.

Toutefois, s'il a remis de l'ordre dans le secteur bancaire et stabilisé la monnaie, il s'est fait de puissants ennemis politiques, au sein même du PDP, en dénonçant la corruption, mal endémique dans le pays. Et son limogeage pour "imprudences" financières avait à l'époque été interprété comme un geste très politique.

M. Jonathan, très prompt à présenter ses condoléances après le décès de l'émir Ado Bayero, n'a en tout cas toujours pas félicité M. Sanusi pour sa nomination, posant crûment la question des relations futures entre le président et le nouvel émir.

"Où le président va-t-il se rendre quand il ira à Kano? Va-t-il s'incliner devant un homme qu'il a lui-même renvoyé?", se demandait lundi un proche du gouverneur Kwankwaso, cité par le quotidien Leadership.

Pour le militant anti-corruption Debo Adeniran, cependant, M. Sanusi devra aussi mettre de côté ses différends avec M. Jonathan, car il "se doit d'être le père de tous".

D'autant que, selon ce militant et le professeur Thomas, le nouvel émir devra en priorité s'impliquer dans la lutte contre Boko Haram, alors que les chefs religieux du Nord ont souvent été accusés de passivité face aux insurgés.

Le groupe islamiste, qui s'est attiré une réprobation internationale en enlevant quelques 200 lycéennes mi-avril à Chibok (nord), ne cesse de multiplier ses attaques, menant des opérations de plus en plus sanglantes. Un défi au pouvoir d'Abuja comme aux autorités du Nord et aux responsables musulmans.

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