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Les Brésiliens boudent le Mondial mais jusqu'à quand ?

Les Brésiliens boudent le Mondial mais jusqu'à quand ?

Ils ont gagné cinq fois la Coupe du monde, jamais chez eux, et ont toujours fait la fête. Et maintenant qu'ils l'accueillent, les Brésiliens sont moroses.

Mais, à quatre jours du coup d'envoi, ils ont de plus en plus de mal à bouder la compétition.

De petits drapeaux vert et jaune habillent de jour en jour magasins, bars et restaurants tandis que les décorations de rues, certes timides par rapport aux Mondiaux précédents, apparaissent de plus en plus. Les étals des vendeurs ambulants regorgent d'accessoires aux couleurs de la Seleçao.

Si le ras-de-bol persiste contre le coût du tournoi -mouvements sociaux et politiques profitant de la visibilité du pays pour mettre les autorités sous pression comme les employés du métro en grève à Sao Paulo qui ont paralysé la ville- nombreux sont ceux qui souhaitent "au moins, une trêve pour supporter la Seleçao".

Fan du club Fluminense, "Mémée Tricolor" arpente la rue Alzira Brandao (Tijuca, zone nord), traditionnellement la plus décorée de Rio. Habillée en jaune et vert des pieds à la tête, elle a sous le bras son inséparable Paquito Fred, un petit coq vivant, affublé d'une cape avec le drapeau brésilien. Elle lui a peint les griffes en jaune et vert.

"J'ai hâte que la Coupe commence. C'est la 7e que je vois. Je veux de la joie et pas des problèmes et du désordre. C'est un manque de respect à la patrie que j'aime", déclare à l'AFP cette infirmière veuve et à la retraite.

"Le Brésilien fait toujours tout à la dernière minute. Quand ça va commencer, ils vont sortir les drapeaux et s'enthousiasmer", estime Alba Zaluar, anthropologue à l'Université de Rio.

"Le goût du foot est profond, cela fait partie de notre identité sociale. L'engouement va augmenter de plus en plus", assure-t-elle à l'AFP.

Selon elle, ceux qui militent contre le Mondial sont "surtout des universitaires et gens des classes aisées".

"Ici à Leblon (quartier huppé de Rio), il n'y a pas de rues décorées, je ne vois des drapeaux que sur les voitures", ajoute-t-elle.

L'ancien défenseur Cafu, champion du monde en 2002, est persuadé aussi que tout va changer après le coup d'envoi jeudi.

"C'est une période où les gens pensent qu'ils pourront plus se faire entendre (...) Voilà pourquoi, il n'y a pas de grande joie avant le début du tournoi. Mais une fois que ce sera lancé, vous verrez un pays totalement différent", a-t-il déclaré.

Ricardo Ferreira est du même avis: "Après le coup d'envoi, on va oublier les manifestations et attendre les élections (d'octobre) pour faire passer notre message dans les urnes". Il organise depuis 1978 la décoration de la rue Alzira Brandao où cette année un écran géant dernier cri de 28 m2 a été installé.

"On attend plus de 30.000 supporteurs qui pourront regarder gratuitement les matches. 45 médias étrangers se sont déjà accrédités pour venir ici", confie-t-il fièrement à l'AFP.

"Grâce à l'intervention du maire de Rio, Eduardo Paes, auprès de la Fifa, nous avons été exemptés des droits d'image de 28.000 reais (plus de 9000 euros)", se félicite-t-il.

A Sao Paulo, Ademir Pereira Amarau, 53 ans, qui vend des drapeaux du Brésil dans la rue, affirme à l'AFP que "les ventes commencent seulement à augmenter".

"Normalement, les rues sont décorées deux mois avant la Coupe. Cette année, les gens ne mettent pas de drapeaux aux fenêtres parce qu'ils ont peur que les manifestants cassent les vitres où il y a des drapeaux", dit-il.

Près du stade Maracana de Rio, des jeunes font des graffitis, dont dépeint Neymar, sur les murs de la rue Pereira Nunes.

"C'est une tradition, mais au début, on a reçu des menaces sur internet comme quoi nos décorations seraient arrachées", déclare Bernard Dantas, un étudiant de 21 et co-organisateur des décorations.

Pour l'écrivain, historien et expert en football Joel Rufino, de l'Université fédérale de Rio, le "manque d'enthousiasme vient du fait que les supporteurs ne connaissent que très peu de joueurs de Seleçao qui ressemble plutôt à la légion étrangère".

"A part Neymar et Julio Cesar (le gardien de but) et deux autres, les joueurs convoqués sont inconnus du public car ils jouent tous à l'étranger. Et la base du supporteur, c'est de connaître et de suivre les joueurs", analyse-t-il.

Un autre facteur du manque d'engouement est que "le supporteur estime que la Fifa, la CBF (confédération brésilienne) et le gouvernement se comportent de façon cynique. Ils présentent la Coupe d'une certaine manière et la population s'aperçoit que c'est autre chose et un spectacle cher".

Mais lui aussi table sur un changement d'humeur de dernière minute: "Quand le coup d'envoi sera donné, beaucoup de ceux qui ne faisaient que critiquer vont soutenir la Seleçao. Moi, je supporte l'Uruguay... jusqu'à ce que ça commence", lance-t-il en boutade.

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