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Jour J: l'hommage aux civils ravive le douloureux souvenir des Normands

Jour J: l'hommage aux civils ravive le douloureux souvenir des Normands

Proches mutilés ou morts sous les bombes, fuites éperdues entre les décombres... la cérémonie d'hommage aux 20.000 civils tués dans les semaines qui ont suivi le Débarquement a ravivé de douloureux souvenirs parmi les deux à trois mille Normands venus y assister vendredi devant le Mémorial de Caen.

"C'était très bien cette cérémonie. Tout ceux qui ont souffert, je suis venue pour eux. Le 6 juin, ça a été lamentable. J'en ai vu de trop dur", confie à l'AFP Georgette Prempain, 94 ans, ne parvenant pas à en dire plus.

Les civils normands ont connu "un épouvantable martyre", a dit lors de la cérémonie le président François Hollande à Caen, ville rasée aux trois quarts par les bombardements alliés.

Près de 3.000 civils sont morts le 6 juin 1944, soit presqu'autant que de militaires alliés. Cent mille personnes ont été contraintes à l'exode, a rappelé le président, et 300.000 se retrouvèrent sans abri.

"Ma maison m'est tombée dessus. Heureusement, mon père a eu le réflexe de nous cacher sous la table avec trois de mes frères et soeurs", raconte Serge Lemière. "Ma mère en revanche est partie chercher ma petite soeur d'un mois dans son berceau. Elle a été blessée, elle en est morte deux ans après", ajoute cet ancien physicien à l'Université de Caen, que l'émotion empêche de parler davantage.

"Ma soeur est restée marquée à vie, sourde et muette car elle a pris une poutre sur la mâchoire", raconte le retraité.

Alors âgé de 10 ans, le petit garçon quitte les ruines de sa maison pour se réfugier à l'Abbaye aux dames, l'une des plus grandes églises de Caen. "Ma mère n'en pouvait plus. Des Allemands nous ont aidés. J'étais dans les bras de l'un d'eux, son fusil me faisait mal à ma blessure à la jambe", poursuit-il.

En chemin, "j'ai vu des enfants s'enfuir comme des oiseaux sous les bombes puis une bonne dizaine d'entre eux tomber dans la rue. Peut-être pas tous morts mais, vous savez, les éclats d'obus rebondissent d'un mètre de haut, alors sur les enfants ça fait des dégâts".

Dans l'abbaye, la maman de Serge est mise sous transfusion pendant qu'elle allaite son bébé blessé.

"On est restés jusqu'à la libération de Caen le 9 juillet, mais entre-temps on sortait. On est allés voler des bonbons. On savait où ils étaient fabriqués. Mais on a été surpris", sourit M. Lemière.

Pour les Alliés, détruire les villes, ces carrefours de communication, devait empêcher les renforts allemands d'approcher des côtes où ils venaient de débarquer. Mais bien peu de civils ont pu lire les tracts largués par avion qui les appelaient à se mettre à l'abri.

"Mon père, à toutes les réunions de famille, nous racontait comment, quand il s'est réfugié à Trun (à une cinquantaine de km au sud de Caen), il se cachait dans les tranchées avec les soldats pour éviter les obus. Il avait faim. Mais c'est avec cette cérémonie que je me rends compte quelle souffrance cela a été", explique Ingrid Corbet, 42 ans, une mère de deux enfants.

Philippe Jacquemard, 76 ans, avait lui trouvé refuge pas très loin de Trun. "On a squatté une maison. Toute la route pour y aller, il y avait des cadavres de gens et de chevaux", précise le retraité.

"On venait de Maizet (à une quinzaine de km au sud de Caen), où on a vécu dans la tranchée que mon père avait creusée à côté de la maison et recouverte avec de la terre. De temps en temps, on retournait dans la maison mais dès que ça canardait on retournait dans la tranchée. On a fini par prendre la route, avec ma grand-mère et ma mère enceinte, sur une charrette", poursuit celui qui avait 6 ans durant la bataille de Normandie.

M. Jacquemard a trouvé "très émouvante" la cérémonie, la première à rendre officiellement hommage aux 20.000 civils morts en Normandie durant les 100 jours d'une bataille qui fut plus ardue que prévue. "Dommage qu'ils n'aient pas organisé une telle cérémonie plus tôt", ajoute son épouse Yvette.

clc/bar/phv

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