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Centrafrique: après six mois de présence, la force française à la peine

Centrafrique: après six mois de présence, la force française à la peine

Six mois après avoir été accueillis en sauveurs en Centrafrique, les 2.000 soldats français déployés dans le pays font face à une hostilité croissante d'une partie de la population, qui leur reproche de ne pas avoir réussi à stopper les violences intercommunautaires.

Le 5 décembre 2013, l'intervention française Sangaris est déclenchée dans l'urgence pour stopper les massacres. Une attaque des milices anti-balaka et les représailles immédiates des ex-rebelles Séléka font des centaines de morts dans le pays et des dizaines de cadavres jonchent les rues de Bangui. Les soldats français sont accueillis par des manifestations de joie.

Six mois plus tard, les rebelles Séléka ont été chassés du pouvoir, une présidente de transition a été installée mais le pays est toujours le théâtre d'affrontements meurtriers: aux exactions des Séléka, à majorité musulmane, ont répondu celles des anti-balaka, à dominante chrétienne, auxquelles s'ajoutent les violences des pillards.

Depuis quelques semaines, et notamment depuis le massacre de l'église Notre-Dame de Fatima ayant fait 17 morts la semaine dernière à Bangui, l'hostilité aux Français, accusés de ne pas avoir réussi à désarmer les milices, est palpable dans la capitale.

Le 31 mai, à Miskine, un quartier chrétien proche de l'enclave musulmane de Bangui, "les Sangaris" - comme on les appelle en ville - étaient hués par les habitants qui les traitaient de "voleurs de diamants". Le pays, ancienne colonie française, en est l'un des principaux producteurs mondiaux.

Chez les musulmans, les "Non à la France" et les insultes anti-françaises sont tagués partout. Et les soldats français savent qu'ils vont se faire caillasser dès qu'ils rentrent dans le quartier.

"Quand ils sont arrivés, on avait de l'espoir, ils allaient désarmer le pays", explique Noël Ngoulo, le secrétaire général de l'université de Bangui.

"Mais au fil du temps, la population a constaté que le désarmement tardait. Les gens sont en colère contre Sangaris parce qu'ils ont l'impression que l'objectif de la mission a changé, comme si on était passé d'une mission de désarmement à une simple mission d'interposition".

Après une première phase où elles ont concentré leurs efforts sur Bangui, les forces françaises ont sécurisé l'axe - vital pour l'approvisionnement des Banguissois - reliant la capitale à la frontière camerounaise. A l'est, elles opèrent dans la région de Bambari, "zone de frictions" où l'ex-Séléka a installé son nouvel état-major.

Au nord, dans la région contrôlée par les Séléka de Ndélé, des forces spéciales étaient en "opération" ces derniers jours.

Là où ils sont déployés, les militaires français veillent à préserver leur neutralité, sur fond d'exode de la quasi-totalité de la population musulmane de Bangui et d'autres grandes villes.

Une neutralité qui tient du défi permanent quand les chrétiens vous reprochent de ne pas désarmer les musulmans et que les musulmans vous accusent d'aider les milices chrétiennes.

Dans le quartier musulman du PK-5, "quand les Sangaris arrivent, on a peur", explique Oumarou, professeur de physique, "car les anti-balaka en profitent pour attaquer".

Les soldats français, qui ont perdu trois hommes en six mois, "sont soumis à des situations très mouvantes", répond à Paris le porte-parole de l'état-major, le colonel Gilles Jaron.

"La forme de lutte asymétrique" entre des anti-balaka armés de machettes et des soldats se déplaçant en blindés est "très difficile", souligne le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU.

L'état-major attribue le récent regain de tension à Bangui à "un petit jeu politique" de certaines forces dont "l'appétit" a été creusé par un probable remaniement ministériel.

"Il y a clairement une instrumentalisation par des éléments radicaux qui veulent pousser la population contre les soldats français" et africains, affirme le colonel Jaron.

Au-delà de ces pics de violence, "nous sommes arrivés à une forme de palier dans l'emploi de la force militaire", assure l'officier: "il faut maintenant mettre en oeuvre les piliers économiques et politiques", dans un pays où l'Etat n'existe plus et dont l'économie est ruinée.

Aujourd'hui, dit-il, "nous sommes tendus vers l'arrivée de la Minusca", la mission de l'ONU qui doit se déployer à partir de septembre, avec "derrière, l'engagement de la communauté internationale et l'espérance que ces piliers se mettent en place".

François Hollande a en tout cas décidé de maintenir "le déploiement des forces françaises en Centrafrique à leur niveau actuel jusqu'à la montée en puissance de la Minusca", selon la présidence française.

sj-dch/mc/tmo

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