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Turquie: Istanbul sur le pied de guerre pour le premier anniversaire de la révolte de Gezi

Turquie: Istanbul sur le pied de guerre pour le premier anniversaire de la révolte de Gezi

Les adversaires du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se sont donné samedi rendez-vous dans la rue, à Istanbul et dans les grandes villes du pays, pour célébrer le premier anniversaire de la fronde antigouvernementale qui a embrasé la Turquie et dénoncer, comme il y a un an, sa dérive autoritaire.

Comme c'est désormais systématiquement le cas, le gouvernement islamo-conservateur a interdit tout rassemblement autour de l'emblématique place Taksim d'Istanbul, le point de départ de la révolte du printemps 2013, laissant présager de nouvelles violences entre manifestants et forces de l'ordre.

Dès les premières heures de la matinée, des milliers de policiers, en civil ou en tenue anti-émeute, ont commencé à investir Taksim avec la consigne d'y empêcher tout rassemblement. Plus de 25.000 hommes et une cinquantaine de canons à eau ont été mobilisés pour l'occasion.

"Nous savons ce qu'a vécu la Turquie en juin dernier (...) nous ne voulons pas que de tels incidents se reproduisent", a plaidé cette semaine le gouverneur d'Istanbul, Hüseyin Avni Mutlu.

Contrairement au dispositif adopté pour le 1er mai toutefois, l'accès à Taksim et au fameux parc Gezi restait ouvert au public dans la matinée.

C'est dans ce petit jardin public qu'est née la vague de contestation qui a fait pour la première fois trembler sur ses bases le régime de M. Erdogan, qui règne sans partage sur le pays depuis 2003.

Au petit matin du 31 mai 2013, la police a violemment délogé du parc quelques centaines de militants écologistes qui s'opposaient à sa destruction dans le cadre d'un projet de réaménagement de la place Taksim.

Nourrie par cette répression, leur combat s'est rapidement transformé en une vague de contestation politique sans précédent. Au total, quelque 3,5 millions de Turcs --chiffre officiel de la police-- ont défilé contre M. Erdogan dans toute la Turquie pendant les trois premières semaines de juin.

Violemment réprimées, ces manifestations ont fait au moins 8 morts, plus de 8.000 blessés et des milliers d'arrestations.

Un an après, la tension politique née de la révolte de Gezi n'est toujours pas retombée.

Mis à mal cet hiver par un vaste scandale de corruption qui a éclaboussé tout le régime, M. Erdogan a remporté haut la main les élections municipales du 30 mars et s'apprête désormais à annoncer sa candidature à la présidentielle des 10 et 24 août prochain, sans réel adversaire en mesure de lui barrer la route.

Depuis Gezi, le chef du gouvernement s'est appliqué à briser toute contestation en muselant la presse, en purgeant la police et en faisant voter une série de lois, dénoncées comme "liberticides" pour renforcer son emprise sur la justice et les réseaux sociaux et accroître les pouvoirs de ses fidèles services de renseignement.

"Les autorités turques ont engagé une chasse aux sorcières contre tous ceux qui ont manifesté ou font entendre leur voix", a dénoncé le président de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), Karim Lahidji.

Sûr du soutien d'une majorité de la population, M. Erdogan a encore fustigé vendredi ceux qu'il avait appelés les "pillards" de Gezi. "La violence nait là où il n'y a ni pensée, ni idée. Les gens de Gezi sont ceux qui n'ont pas d'idée", a-t-il lancé à des milliers de jeunes partisans réunis à Istanbul.

Une nouvelle fois, il a brandi la théorie du complot contre la Turquie. "Les organisations terroristes ont manipulé la jeunesse moralement et financièrement faible (...) pour s'attaquer à notre unité et porter atteinte à notre économie", a-t-il affirmé.

Face à aux crispations autoritaires du régime, les ONG, syndicats et acteurs de la société civile qui ont pris la tête de la révolte de juin 2013, soutenus par l'opposition, espèrent profiter de son premier anniversaire pour raviver cet "esprit de Gezi".

"Le gouvernement entretient un climat de tension qui encourage les violences policières", a déploré la porte-parole du collectif Taksim Solidarité, l'architecte Mücella Yapici. "Mais malgré cette politique faite de violence et d'injustice (...) avec volonté, détermination et créativité, nous serons dans les rues", a-t-elle promis.

pa/ml

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