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A Kiev, les irréductibles du Maïdan s'accrochent à leurs barricades

A Kiev, les irréductibles du Maïdan s'accrochent à leurs barricades

Est-il temps pour le Maïdan de démonter les barricades? Après la présidentielle, les voix se multiplient pour rendre la place centrale de Kiev à la vie normale, mais le noyau dur de ses occupants veut au contraire sanctuariser ce symbole de la contestation en Ukraine.

Devant sa tente plantée à même le bitume, Dmytro a pris sa décision : "Cela n'a aucun sens que cette tente reste ici". Avec plusieurs de ses compagnons en treillis, le jeune volontaire des "forces d'autodéfense" du Maïdan prépare ses affaires pour se rendre dans la région de Donetsk et combattre contre les insurgés prorusses.

Trois mois après la chute du président Viktor Ianoukovitch dans un bain de sang, le campement des contestataires et leurs barricades, montées au fil des semaines de confrontation avec les forces de l'ordre pendant l'hiver, continuent de bloquer la place de l'Indépendance et une partie du boulevard Krechtchatik qui la traverse.

Mais le Maïdan des grandes heures du mouvement proeuropéen, animé par une foule assistant à des meetings, concerts ou prières, est méconnaissable.

Certaines tentes sont laissées à l'abandon. Les barricades de pneus ou de planches sont en piteux état. La scène où se produisaient les leaders de l'opposition reste désormais désespérément vide et le bitume du boulevard qui traverse la place reste bien parsemé, traversé par des habitants pressés et quelques touristes.

Les lieux ont été gagnés par une atmosphère sinistre, avec les photos des morts du Maïdan parfois entourées de fleurs fanées ou encore les miliciens des forces d'autodéfense qui errent l'air fatigué, parfois saouls, dans leur treillis.

"C'est devenu sale et moche", tranche Valentina, une habitante de Kiev, qui s'abrite d'une des fréquentes averses estivales sous un large parapluie. "Quand je vais au travail, je vois ces gens ivres qui ont probablement bu toute la nuit et qui lavent leur linge. Ce n'est pas bien."

Certains automobilistes s'agacent aussi de voir la circulation du large boulevard Krechtchatik bloquée, entraînant des bouchons dans le centre de Kiev.

Après l'élection présidentielle du 25 mai, remportée par le milliardaire prooccidental Petro Porochenko, Vitali Klitschko, élu maire de la capitale le même jour, a sifflé la fin de la partie.

"Le Maïdan a rempli son objectif clé, nous nous sommes débarrassés du dictateur", a estimé l'ancien champion de boxe. "Les barricades ont joué leur rôle et doivent être démantelées. Kiev doit revenir à la vie normale".

Hué sur la scène de la place dimanche, le nouveau maire a fait marche arrière et affirmé avoir "toujours été contre" une dispersion. "On déforme mes propos", a-t-il assuré, alors que des "Honte!" ou "Va-t-en!" fusaient dans la foule.

Car pour ceux qui se sont mobilisés jour et nuit tout l'hiver par des températures glaciales, la page est difficile à tourner.

"Le Maïdan ne dérange personne. Les séparatistes constituent un problème plus préoccupant", balaie Vladyslav, un passant actif pendant la contestation.

Pour le jeune homme, la place doit rester occupée pour pousser le nouveau pouvoir à "avancer plus vite vers les réformes".

Ces derniers jours, les leaders des irréductibles du Maïdan ont commencé à démonter certaines tentes délaissées et à déloger certains de ses occupants, trop souvent saouls ou plus à la recherche de ravitaillement gratuit et d'un abri que d'idéaux.

Pas question en revanche de quitter complètement la place, devenue lieu de pèlerinage et d'hommage à la centaine de manifestants qui y sont morts fin février et symbole du pouvoir du peuple face aux autorités.

Selon l'agence publique UkrInform, les principales organisations qui contrôlent le Maïdan ont publié un "manifeste": avant de partir, elles réclament que soient punis les responsables de l'ancien régime et de la répression policière, ou encore que soient adoptés des changements constitutionnels.

Et pour la suite, des idées commencent à émerger: musée de la contestation, centre dédié aux initiatives citoyennes...

"Nous voulons changer le système, mettre fin à la corruption", explique Nazar, membre de l'une des "brigades" du Maïdan, casquette militaire sur la tête. "C'est ce pour quoi nous sommes venus. Maintenant Klitschko dit que nous sommes venus renverser Ianoukovitch et qu'on n'a plus de besoin de nous. Pas question!"

lap-gmo/jh

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