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Les Libyens traumatisés par l'insécurité mais gardent le cap

Les Libyens traumatisés par l'insécurité mais gardent le cap

"A aucun moment, nous n'avons pensé que ceux qui ont libéré le pays allaient se transformer en geôliers et priver les gens de leur sécurité". Meftah, comme beaucoup de Tripolitains, voue aux gémonies les milices qui sévissent dans sa ville.

"Les Libyens sont devenus les ennemis d'eux-mêmes", estime cet enseignant de 50 ans, qui s'inquiète de voir la révolte contre l'une des plus longues dictatures au monde devenir un enjeu aux mains de groupes armés.

Il dénonce ces milliers d'ex-rebelles, auréolés par leur combat en 2011 contre le régime de Mouammar Kadhafi, qui ont transformé les grandes villes du pays en camps retranchés pour les milices. "Comment ose-t-on affirmer être libérateur alors qu'on maintient le peuple en otage".

Tentant de se changer les idées, Meftah se livre à une partie de pêche près d'un vieux port de la capitale qui dit-il, était autrefois "sûre avec des rues qui ne désemplissaient pas".

Mais aujourd'hui, elle "perd son âme et devient intolérante". Criminalité, enlèvements, braquages, chantage et règlements de comptes sont le lot quasi-quotidien des Tripolitains.

"Pour moi, le bord de mer est le meilleur endroit pour fuir" le stress, lance timidement son fils qui joue près de lui.

"Les gens ont peur aujourd'hui de sortir le soir et nos enfants sont angoissés par les tirs et explosions nocturnes", explique Meftah, qui veut taire son nom.

Après l'euphorie de la "libération" ayant mis fin en octobre 2011 à 40 ans de dictature, les Libyens se sont retrouvés plongés dans une transition chaotique, sous la coupe d'innombrables milices armées ayant puisé dans l'arsenal militaire du régime déchu.

Trois ans après, les autorités n'ont toujours pas réussi à mettre en place une police ou une armée disciplinées pour faire face aux milices qui font la loi.

Mais la société civile s'active pour mobiliser la population.

"Nous avons organisé une série de mouvements de protestation contre les milices et ces actions ont quelque peu porté leurs fruits", explique à l'AFP le militant Iyad ben Omar.

"Il y a quelques mois, une grève générale avait même été organisée et les Tripolitains se sont mobilisés, pour chasser les miliciens de leur ville", raconte-t-il. "Pour rassurer la population, ces milices ont fait semblant de quitter la ville mais en fait la plupart d'entre elles se sont redéployées sur d'autres sites".

Dans un rapport publié en janvier 2014, Human Rights Watch a estimé que le gouvernement libyen disposait d'une "capacité limitée à contenir les centaines de milices armées responsables d'abus en dehors de tout contrôle du gouvernement".

"Pendant trop longtemps, le gouvernement a affirmé qu'il est trop dangereux de désarmer les milices - il devrait désormais être clair qu'il est trop dangereux de ne pas le faire", indiquait HRW dans un autre rapport.

Nouvelle preuve du chaos, un général dissident, Khalifa Haftar, vient de lancer une campagne militaire contre les groupes extrémistes dans l'Est, malgré les protestations des autorités.

Nombre de Libyens disent toutefois ne pas s'inquiéter outre mesure de cette anarchie qui a pourtant porté un coup dur à l'économie de ce pays pétrolier.

"Nous sommes un pays à tissu tribal et les tribus parviennent toujours à des compromis pour régler les crises", affirme 0mrane, un vendeur de tissu de Souk al-Jomaa, un grand quartier commercial de Tripoli. "Nos politiciens ont peu d'expérience dans la gestion des crises, ils devraient faire appel aux sages de nos tribus".

La situation dans ce pays autrefois terre d'accueil mais aussi de transit des migrants, suscite aussi de plus en plus d'inquiétude au sein des populations immigrées, et plusieurs pays ont recommandé à leurs ressortissants de le quitter.

"Les Libyens deviennent intolérants envers les ressortissants des pays voisins et racistes envers les migrants subsahariens", déplore un employé de café marocain qui a demandé à ne pas être identifié.

"Leurs milices disent vouloir nettoyer le pays, mais qui a construit ce pays sinon les émigrés ?" s'insurge ce jeune homme qui travaille depuis des années en Libye.

hj/ila/feb

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