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Devant une juge argentine, des victimes du franquisme racontent leur cauchemar

Devant une juge argentine, des victimes du franquisme racontent leur cauchemar

Devant une juge argentine qui enquête sur les crimes de la dictature franquiste, sous le coup d'une amnistie en Espagne, deux victimes, âgées de 90 et 93 ans, ont raconté leur cauchemar, jeudi à Madrid.

"Je n'ai pas de mémoire mais ça, c'est gravé à jamais", a témoigné Teresa Alvarez, en sortant de cette audition au tribunal de l'Audience nationale.

Avec Teresa Alvarez, 93 ans, Faustina Romeral, 90 ans, a également pu se confier à la juge Maria Servini de Cubria, qui a ouvert une enquête en 2010 sur les crimes de la Guerre civile (1936-1939) et de la dictature de Francisco Franco (1939-1975), en utilisant le principe de justice universelle.

"Très contente" de pouvoir enfin témoigner, Teresa dit avoir fourni "tous les détails" de son cauchemar: comment l'un de ses frères a disparu, comment l'autre a été envoyé aux travaux forcés, comment son père a été torturé et emprisonné.

L'un de ses bourreaux "a pris un parapluie, a ôté une baleine et lui a mis dans l'oreille. Il est resté sourd pour toujours", se souvient la vieille femme.

Pour elle, "la justice ne pourra rien faire car les coupables sont morts. Mais elle est persuadée que l'enquête permettra de trouver une réparation même si, dit-elle, "je ne le verrai pas, parce que je suis déjà vieille".

Faustina Romeral semblait, elle, ne pas avoir la force de parler à la presse.

Les deux femmes "sont très émues, et se réjouissent d'avoir pu témoigner devant un juge", a affirmé Carlos Slepoy, l'un des avocats des victimes.

"Elle veulent que soit lavé l'honneur des personnes qui ont été condamnées sur la base de fausses accusations", a-t-il ajouté.

Selon l'avocat, Faustina a raconté "que son grand-père avait été fusillé, que son père était disparu tout comme son frère, et qu'elle-même avait été détenue pendant plusieurs années, comme sa mère".

La juge Servini n'a elle fait aucun commentaire à sa sortie du tribunal. Elle était accompagnée pour les auditions du juge de l'Audience nationale Fernando Andreu et d'un procureur argentin, Ramiro Gonzalez.

Au total, la magistrate argentine, qui aura passé deux semaines en Espagne, a entendu au Pays basque, en Andalousie et à Madrid sept victimes qui, pour des raisons d'âge ou de santé, ne peuvent se rendre à Buenos Aires ou dans un consulat argentin.

"Ce qui vient de se passer marque une énorme avancée", s'est félicité Carlos Slepoy, soulignant la coopération de la justice espagnole dans cette enquête.

"C'est le signe que quelque chose change, que nous nous approchons de la fin de l'impunité", a-t-il ajouté, malgré les réticences qui subsistent au sein de la justice espagnole et malgré la loi d'amnistie, votée en 1977 dans le but de réconcilier la société espagnole, durant la transition qui a mené le pays vers la démocratie.

Face aux obstacles existant en Espagne, des associations de victimes se sont tournées vers l'Argentine, où la juge Servini a ouvert en 2010 une enquête pour "génocide et crimes contre l'humanité".

En décembre 2013, un groupe de victimes s'était rendu en Argentine pour témoigner devant la magistrate. En septembre, celle-ci avait demandé que soient ouverts les consulats de son pays dans le monde entier pour recueillir des plaintes.

La juge Servini, dans le cadre de cette enquête, avait aussi demandé en novembre l'extradition de deux anciens policiers du régime franquiste accusés de tortures.

La justice espagnole a refusé en avril ces extraditions, arguant que les faits dont sont accusés les deux hommes ne constituent pas des crimes contre l'humanité et qu'ils sont prescrits depuis plusieurs années.

En sortant du tribunal, la magistrate s'est rendue aux Archives nationales espagnoles, après avoir demandé à avoir accès aux archives militaires et religieuses pour les besoins de son enquête. Les associations de victimes chiffrent à environ 110.000 le nombre de personnes disparues pendant la période couvrant la Guerre civile et la dictature.

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