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Mondial-2014: plus que des buts et du spectacle, un bienfait social?

Mondial-2014: plus que des buts et du spectacle, un bienfait social?

Prouesses athlétiques, buts spectaculaires, holas et chants de supporters... Personne ne conteste la place d'un Mondial de football dans l'industrie du sport et du divertissement. Mais le foot ne jouerait-il pas également un rôle méconnu en contribuant au bien-être de nos sociétés ?

Selon certains chercheurs, le football serait pour commencer un exutoire pacifique, un substitut socialement acceptable aux formes d'agression tribales traditionnelles.

"Cela vous permet de soutenir votre pays sans être violent à l'égard de qui que ce soit. D'une certaine manière, ça remplace la guerre", résume David Ranc, chercheur français spécialiste de l'identité collective dans le football.

"C'est une manière non-violente de résoudre un conflit (...) et de prendre parti, sans que l'enjeu soit réellement important", ajoute-t-il.

A l'approche du Mondial au Brésil, les supporters sont d'ailleurs déjà en train de s'équiper de pied en cap, tels une armée médiévale se préparant à courir sus à l'ennemi: perruques à la place des heaumes, maillots en guise de cottes de mailles, écharpes et maquillage au lieu d'étendards.

Ferveur nationaliste, manifestation d'un chauvinisme exacerbé ? Pour les experts interrogés par l'AFP, ce comportement est surtout révélateur d'un désir d'appartenance profondément ancré chez l'être humain.

"L'identification à une équipe sportive peut aider les gens à mieux se figurer qui ils sont, leur donner le sentiment d'appartenir à quelque chose plutôt que de mener une existence isolée", estime Eric Dunning, sociologue du sport à l'Université britannique de Leicester.

"Cela peut contribuer à donner du sens", dans des sociétés qui paraissent très impersonnelles et en mutation rapide.

Au point de prendre des accents presque mystiques chez certains.

"Les fans d'une équipe de football forment une communauté de croyants qui se distinguent par des comportements caractéristiques de la religion", assure à l'AFP Gunter Gebauer, sociologue à l'Université libre de Berlin.

Par exemple, il n'est pas rare qu'un supporter transforme sa chambre à coucher en chapelle entièrement dédiée au football, "les saints étant les joueurs de son équipe, qu'il vénère en accomplissant des pèlerinages".

Pour M. Dunning, le sport supplée certaines fonctions sociales qui étaient autrefois d'ordre exclusivement religieux.

"Il pourrait répondre à certains besoins qui, pour un nombre croissant d'individus, ne sont plus satisfaits dans nos sociétés sans cesse plus laïques et scientifiques", écrit-il dans son livre "Sport Matters" ("Le sport, c'est important").

Partager des émotions fortes, même des sentiments hostiles entre équipes adverses ou des déceptions en cas de défaite: les matchs de football réunissent des fans issus de pays et d'horizons différents autour d'une même passion et sont donc riches en lien social, affirment les spécialistes. Le slogan officiel choisi pour le Mondial-2014 est d'ailleurs "Tous au même rythme".

Les bouffées de violence des hooligans et autres extrémistes ? Elles restent très minoritaires en comparaison des dizaines de millions de spectateurs qui suivent ces rencontres chaque jour dans le monde, soulignent-ils.

Le hooliganisme est d'ailleurs bien davantage lié aux inégalités au sein d'une société qu'il n'est le produit d'une rivalité sportive réelle, estime David Ranc.

"Lorsque vous étudiez la violence dans le football, ça touche des gens qui ont perdu pied socialement, (...) des gens marginalisés, ostracisés, ceux qu'on qualifie de classe populaire. Cela tient beaucoup au climat social", dit-il.

L'un des principaux éléments rassembleurs dans ce sport est sa faculté de créer des héros. "Toutes les histoires qui circulent dans le sport ne sont pas que des pures inventions. Des individus qui n'avaient rien initialement parviennent à la gloire et à la fortune par leurs propres moyens, ce qui leur permet de jouer un rôle dans une société qui leur serait autrement restée inaccessible", note M. Gebauer.

Tous ces facteurs ont bien sûr contribué à la popularité du foot. Mais ce serait oublier la vitesse du jeu et les prouesses qu'il autorise, l'enthousiasme que suscite un match, et la possibilité d'y jouer quasiment n'importe où, avec un ballon et des règles très simples.

"Bien sûr, d'autres sports ont l'une ou l'autre de ces caractéristiques. Mais le foot est sans doute le seul à les réunir toutes", explique Eric Dunning.

mlr-ban/ol/cda

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