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La Chine championne de la "duplitecture"

La Chine championne de la "duplitecture"

Célèbre pour ses contrefaçons de produits occidentaux, du champagne aux chaussures de sport, la Chine conforte aujourd'hui sa réputation de copiste dans l'architecture, avec ses tours Eiffel miniatures, son nouveau Sphinx de Gizeh ou ses villages européens.

Les copies de monuments, parfois surnommées "duplitecture", peuvent surprendre les étrangers mais elles se justifient pour beaucoup de Chinois.

"Je trouve que c'est une bonne chose. Je peux voir les édifices de lieux où je ne suis jamais allé", se félicite M. Fu, un homme de 32 ans assis dans un parc de Chongqing hébergeant des reproductions de statues, dont le David de Michel-Ange, le Penseur de Rodin où les têtes géantes de quatre présidents américains du Mont Rushmore.

Ailleurs dans cette métropole du sud-ouest, une rangée de bâtiments blancs aux courbes élégantes a suscité une controverse pour leur ressemblance frappante avec un complexe pékinois dessiné par la célèbre architecte anglo-irakienne Zaha Hadid.

Copier, c'est "quelque chose qui se fait en Chine", note un juge chinois à la retraite en passant devant le site. "Je pense que c'est une bonne chose, on peut apprendre de l'expérience des autres."

Le directeur du projet de Hadid à Pékin n'est pas aussi positif: il a traité la compagnie immobilière de "pirate", selon la presse.

Le promoteur ainsi visé se défend d'avoir copié, et a affirmé à l'AFP avoir trouvé un accord avec le promoteur d'origine, qui a refusé de commenter.

La mode de la "duplitecture" s'est développée parallèlement à l'essor de l'immobilier chinois au cours des dernières décennies, en particulier pour les constructions évoquant le prestige et la réussite, explique Bianca Bosker, l'auteure américaine de "Copies originales: l'imitation architecturale dans la Chine contemporaine".

Parmi les projets les plus surprenants, le pittoresque village autrichien d'Hallstatt, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco pour ses maisons couleur pastel en bordure d'un superbe lac alpin, a été reproduit dans la province du Guangdong (sud).

Même l'agence de presse officielle Chine nouvelle a parlé d'un "exemple osé de la culture de la contrefaçon chinoise".

Hangzhou montre un goût pour la France avec un certain nombre de monuments parisiens dont la Tour Eiffel, une fontaine du château de Versailles et un petit village typique.

La province septentrionale du Hebei a depuis quelques jours une imposante imitation du Sphinx de Gizeh (Egypte), mais la monumentale sculpture devra être détruite à la suite d'une plainte d'un ministère égyptien, a rapporté la presse le week-end dernier.

De son côté Shanghai s'est construit une "ville Tamise": un quartier de banlieue où l'on croise une statue de Churchill, une église de Bristol et même des faux gardes du Palais de Buckingham.

Quant à la banlieue de Pékin, elle compte un complexe surmonté de dômes dorés, inspiré du Kremlin de Moscou, ainsi qu'un "Château-Laffitte", hommage au château de Maisons-Laffitte, à l'ouest de Paris, dessiné par François Mansart.

Ces imitations ne manquent pas de susciter des moqueries, mais pour Bianca Bosker, elles donnent du prestige à des lieux à peu de frais.

"Aux Etats-Unis, les gens qui copient sont vus comme des voleurs sans imagination. En Chine, l'image des copieurs est plus nuancée -- copier peut être une preuve de talent, et ça peut aussi être une solution très pratique à un problème".

"Les promoteurs cherchaient un moyen de donner du cachet à leur projet, les propriétaires voulaient donner du cachet à leur style de vie et à leur réussite économique.

"Et l'une des meilleures solutions, c'était de copier des monuments évocateurs d'un style de vie aristocratique et sophistiqué", explique-t-elle, citant Versailles, Venise ou la Maison-Blanche comme modèles appréciés.

On retrouve cette tendance derrière la production massive de contrefaçons comme les sacs à main italiens, les montres suisses, le vin français, les films hollywoodiens, les Iphone, ou même un faux Apple store à Kunming (sud-ouest).

A Dafen, dans l'agglomération de Shenzhen en pleine expansion, une armée de peintres copie des chefs d'oeuvre, de Vincent Van Gogh à Jackson Pollock.

Une manière pour les Chinois de profiter de ce qu'ils n'auraient de toutes façons pas les moyens de s'acheter, estime un jeune homme qui se promène dans un parc d'attraction de Chongqing entre des modèles réduits de New-York, des canaux de Venise. Au sommet d'une attraction, trône une réplique du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro tournant lentement sur elle-même.

"Pour ce qui est du respect de la créativité des autres, ce n'est pas bien. Mais pour la Chine qui est encore en développement, c'est utile", dit-il.

"Quand la Chine sera assez développée, il n'y aura plus de marché pour les contrefaçons".

cdh-bur/seb/cac

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