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Entre volonté d'abolition et dure réalité, le dilemme du travail des enfants en Bolivie

Entre volonté d'abolition et dure réalité, le dilemme du travail des enfants en Bolivie

Sergio travaille depuis l'âge de huit ans et a déjà passé la moitié de sa courte vie à assembler des briques dans une fabrique artisanale du quartier pauvre d'Alpacoma, dans la périphérie de La Paz.

Il en ressort chaque jour exténué et couvert de poussière rouge mais fier d'être utile à sa famille, ignorant tout du débat qui fait rage en Bolivie sur l'abolition du travail infantile.

Le président Evo Morales lui-même, fort de sa propre expérience de berger dès sa plus tendre enfance sur les hauts plateaux des Andes, rechigne à limiter l'âge des enfants pouvant travailler, estimant que le travail aide à développer la "conscience sociale".

"Je travaille pour aider mes parents et m'acheter des choses", dit à l'AFP ce garçon de 15 ans, les yeux abimés par le soleil et la poussière, cachés par d'épaisses lunettes.

Il peut gagner jusqu'à 57 dollars par semaine dans un pays où le salaire minimum mensuel pour un adulte est en moyenne de 207 dollars.

Mais c'est plutôt une exception. Travaillant essentiellement dans le secteur informel, les petits travailleurs boliviens peuvent gagner quelques pièces pour garder une voiture cinq minutes ou cinq heures et rien du tout s'ils sont bergers du troupeau familial.

En Bolivie, pays de dix millions d'habitants, le travail des enfants est culturellement considéré comme normal, et il existe même un syndicat de jeunes ouvriers créé en 2011, l'Unatsbo, qui milite pour sa régularisation et refuse tout âge légal.

La Constitution bolivienne de 2009 interdit le "travail forcé et l'exploitation des enfants", mais sans spécifier d'âge, alors que l'Unicef recense quelque 850.000 enfants Boliviens de sept à 15 ans travaillent dans des conditions précaires.

De son côté, le ministère du Travail bolivien assure que 87% d'entre eux font un travail dangereux, notamment dans les mines, les briqueteries ou à la campagne au moment des récoltes de canne à sucre.

Les conventions internationales fixant les conditions de travail des enfants se heurtent à la dure réalité de pays comme la Bolivie, le plus pauvre d'Amérique du Sud, le Pérou, le Paraguay ou le Nicaragua où des milliers d'enfants sont lâchés prématurément sur le marché du travail, poussés par la faim et pauvreté.

La Bolivie a pourtant bien ratifié en 1997 la convention de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la limitation du travail infantile au-dessous de 14 ans mais la réalité est toute autre.

"El Chino" a appris à réparer des pneus à l'âge de huit ans et mesure avec application leur pression dans le quartier populaire de Pampahasi, dans l'est de la capitale bolivienne.

"Mon papa est carrossier et ma maman dépose mon argent à la banque" dit-il, depuis son minuscule poste de travail.

Aujourd'hui, à 13 ans et les bras musclés malgré sa petite taille, il affirme avoir "choisi de travailler".

"Cela me plaît", dit-il, avouant avoir été "chassé de l'école parce que j'avais frappé un autre garçon et depuis, je n'y suis plus retourné".

Son ambition est de devenir mécanicien. En attendant, il gonfle des pneus et répare les jantes, "au moins une centaine par jour", assure-t-il.

Selon l'OIT, en Amérique latine et dans les Caraïbes, 13 millions d'enfants sont sur le marché du travail, alors que depuis 40 ans une convention internationale veut interdire l'emploi des enfants de moins de 14 ans.

Au Pérou voisin, 30 millions d'habitants, 1,6 million d'enfants font les métiers les plus divers, dans les travaux agricoles, les fabriques de briques, la construction, et plus de 100.000 d'entre eux âgés de cinq à 12 ans travaillent dans les mines.

"C'est un véritable problème social qui doit être traité en tant que tel", reconnaît José Sánchez , directeur du Mouvement des adolescents et enfants travailleurs (Manthoc), une organisation existant depuis 1976 pour la défense de leurs droits.

Malgré l'interdiction de la loi, "beaucoup d'enfants ont besoin de travailler pour pouvoir vivre", admet-il.

Cette dure réalité se retrouve également au Paraguay, où certains des travaux les plus pénibles sont confiés aux enfants comme celui des fours à chaux ou dans les carrières.

Mais "une des pires formes de travail des enfants est celui des décharges d'ordures", indique à l'AFP l'expert Eduardo Sosa, un responsable gouvernemental chargé de l'enfance.

Dans le pays le plus pauvre d'Amérique centrale, au Nicaragua, le gouvernement a lancé un programme baptisé "Amour" avec pour objectif de retirer les enfants de la rue en aidant leurs familles.

Dans ce pays de 5,8 millions d'habitants, quelque 300.000 enfants et adolescents font partie du monde du travail, selon des organisations humanitaires.

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