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En détention, des critiques du coup d'Etat réduits au silence en Thaïlande

En détention, des critiques du coup d'Etat réduits au silence en Thaïlande

Hommes politiques, militants, universitaires, journalistes... La junte, qui a pris le pouvoir en Thaïlande, a convoqué des dizaines de personnalités, dont elle a cité les noms à la télévision, les détenant ensuite dans des lieux tenus secrets.

Plus de 250 personnes ont été sommées de se rendre à une convocation de la junte depuis le putsch de jeudi au cours duquel des figures politiques de premier plan ont également été emmenées par l'armée, à l'issue de négociations supposées servir à trouver une solution à une crise politique de sept mois.

Des dizaines d'entre elles sont toujours en détention et 53 n'ont pas répondu à la convocation, risquant deux ans de prison.

Et si certains ont été libérés --dont l'ancienne Première ministre Yingluck Shinawatra, soeur de l'ancien chef de gouvernement Thaksin Shinawatra renversé par le précédent putsch en 2006--, la junte a laissé entendre que la liste des personnes convoquées, publiée aussi sur sa page Facebook officielle, pourrait s'allonger.

Cette opération touche déjà un large spectre de la société.

Des soldats ont par exemple perquisitionné le domicile de Sukanya Prueksakasemsuk, militante pour les droits de l'homme dont le mari Somyot purge 11 ans de prison pour crime de lèse-majesté. Elle et son fils ont été brièvement détenus, une opération jugée "perturbante" par l'organisation Human Rights Watch.

Des universitaires et des journalistes généralement considérés comme proches de l'armée ont reçu une convocation, même si certains n'ont pas été détenus.

Après des jours de flou sur le sort des personnes convoquées, la junte a diffusé mardi soir des images de leaders des Chemises rouges, puissant mouvement de soutien au gouvernement renversé, pour montrer qu'ils allaient bien.

"Nous ne savons pas où nous sommes", déclarait dans cette vidéo leur leader Jatuporn Prompan, semblant fatigué.

Lui et d'autres leaders rouges, fidèles à Thaksin, qui reste malgré son exil le facteur de division du pays, ont finalement été relâchés mercredi, deux jours après la libération de dirigeants du mouvement anti-Thaksin.

La junte a assuré que les personnes concernées n'étaient ni torturées ni battues. Elle a justifié la poursuite des interpellations visant surtout des partisans du gouvernement déchu.

"Si nous ne plaçons pas certains d'entre eux en détention, leur vie pourrait être en danger" s'ils étaient visés par "des personnes mal intentionnées voulant aggraver la situation", ont déclaré les autorités mardi.

"L'armée semble appeler beaucoup plus de personnes que ce qui était attendu", a commenté Panitan Wattanayagorn, de l'université Chulalongkorn de Bangkok.

"Ils semblent penser qu'ils sont capables de les convaincre, de leur parler", a ajouté celui qui était porte-parole d'un ancien gouvernement dirigé par le Parti démocrate, d'opposition, soutenu par les élites anti-Thaksin.

Pravit Rojanaphruk, critique du coup d'Etat, a quant à lui été le premier journaliste convoqué et n'a pas réapparu depuis dimanche, lorsqu'il s'est présenté à la junte, la bouche barrée d'un ruban adhésif noir.

Le ministre de l'Education du gouvernement déchu, Chaturon Chaisang, a de son côté refusé d'obéir à la junte. Il a été interpellé par l'armée mardi en plein briefing devant la presse étrangère pendant lequel il venait de dénoncer un putsch qui "n'est pas une solution aux problèmes" de la Thaïlande.

Ceux qui ont été libérés ont quant à eux dû signer un document s'engageant à ne plus avoir d'activité politique et assurant qu'ils avaient été bien traités.

La junte a averti qu'elle les surveillerait et n'hésiterait pas à les traduire devant une cour martiale.

L'AFP a parlé à plusieurs de ces anciens détenus, mais aucun n'a voulu s'exprimer nommément.

L'un des leaders du mouvement contre le gouvernement déchu, qui a manifesté dans Bangkok pendant sept mois, a expliqué que les militants des deux camps étaient gardés au même endroit. "Nous vivions dans le même complexe, mais nous ne parlions pas vraiment avec eux", a-t-il déclaré sous couvert de l'anonymat.

Pavin Chachavalpongpun, ancien diplomate thaïlandais désormais chercheur à l'université de Kyoto, pense être le seul Thaïlandais vivant à l'étranger à avoir été convoqué. Mais il a décliné l'invitation, à moins d'un billet d'avion de première classe.

"Si je rentre, ils pourraient me poursuivre" en justice, a-t-il précisé à l'AFP, estimant que ces détentions étaient destinées à "intimider".

"C'est absurde. Je suis vraiment en colère, je n'ai rien fait de mal", assure-t-il.

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