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Algérie: les exorcistes au secours des candidats au bac

Algérie: les exorcistes au secours des candidats au bac

Traditionnellement sollicités pour venir en aide aux malades, aux filles en mal de prétendants ou aux épouses stériles, les exorcistes algériens doivent désormais voler au secours des candidats au baccalauréat rongés par le stress à l'approche de l'examen.

Quelque 650.000 élèves doivent se présenter à partir du 1er juin à l'examen de fin des études secondaires, pour tenter d'obtenir le précieux sésame qui ouvre les portes de l'enseignement supérieur. Mais le taux d'échec a été supérieur à 50% l'année dernière.

Et face à la pression qui monte, les parents - les mères principalement - sont nombreux à faire appel à la roqya (exorcisme) pratiquée par des imams plutôt qu'aux services de psychologues ou de médecins pour favoriser la réussite de leurs enfants, affirme à l'AFP le président du syndicat des imams, cheikh Djamal Ghoul.

Cheikh Ghoul admet qu'il n'y a pas de "recette miracle" pour conduire au succès espéré. Mais, ajoute-t-il, "l'imam peut exorciser les démons de la peur et du stress".

L'imam Cheikh Mohamed Ziani officie dans une mosquée de Blida (50 km au sud-ouest d'Alger), où ses supposés dons d'exorciste lui valent d'exercer son emprise sur des foules de fidèles qui cherchent à retaper leur âme.

Aux candidats au bac, il offre, dit-il à l'AFP, des recettes qui aident à accroître les capacités de concentration, inspirées d'ouvrages de référence en matière d'islam. La potion magique est composée de miel, d'amandes, de grains d'anis, de pistaches et de raisins secs.

"On prescrit la même recette contre les troubles de l'érection", se moque un parent. Mais Cheikh Mohamed Ziani y adjoint des prières appropriées à réciter au début et à la fin de chaque épreuve du bac.

Selon les rites consacrés, explique l'imam, le raqi (exorciste) lit le Coran en soufflant dans une bouteille d'eau ou dans un flacon d'huile. Le "patient" doit en boire le contenu, ou s'en servir pour se laver et s'en enduire le corps pour se préserver du mauvais oeil, de la magie et des maladies psychiques.

Enseignante à la Faculté des Sciences politiques d'Alger, Karima confesse avoir pris contact avec un imam en vue de "calmer l'esprit" de son fils, un "brillant élève" qui va se présenter aux épreuves du bac scientifique avec le projet de suivre ensuite des études de médecine.

"Je n'ai pas demandé à l'imam d'ordonner à un démon de souffler les réponses à mon fils pendant les épreuves, mais juste de prier pour lui afin qu'il retrouve un peu de sérénité: il est fatigué et souffre d'insomnies", tente de se justifier cette jolie dame brune, habillée à l'occidentale.

Etudiant en première année à l'université d'Alger et lycéen de niveau moyen, Idriss, 19 ans, s'étonne encore de son propre succès l'année dernière avec une moyenne de 10,7/20, alors que la meilleure élève de sa classe a échoué.

"Elle était tellement stressée qu'elle est sortie de la salle d'examen avant d'avoir terminé l'épreuve de mathématiques", se souvient-il. Face à ce risque de perdre ses moyens, le jeune dit "comprendre le comportement des élèves qui vont chercher du réconfort auprès des exorcistes", même si lui-même n'a pas franchi le pas.

Malgré sa popularité, cheick Ziani ne déçoit pas moins certains de ses "patients" quand il leur explique ne pas diagnostiquer chez eux les symptômes d'un mal satanique.

"Ils se tournent alors vers des charlatans" qui prospèrent à l'ombre de l'ignorance, se faisant rétribuer pour la lecture de quelques versets coraniques, déplore-t-il.

Avant de quitter ses fonctions début mai, l'ex-ministre des Affaires religieuses Bouabdallah Ghoulamallah avait dénoncé ces pratiques qui conduisent parfois à des fins dramatiques quand il faut chasser le démon par la violence. Il avait ainsi interdit les séances de roqya dans les mosquées et les écoles qui en dépendent.

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