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Accaparement des terres : en France aussi ?

Accaparement des terres : en France aussi ?

Investisseurs chinois, russes, fonds de pension, de plus en plus de terres agricoles en France passent aux mains d'investisseurs et échappent aux agriculteurs français, faisant courir un risque pour la souveraineté alimentaire, s'alarme l'autorité de régulation du foncier rural.

Les exemples ne manquent pas, selon les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). L'arrivée des Chinois dans le Bordelais est le plus connu : en trois ans, ils ont racheté 96 châteaux sur les 7.000 que compte le vignoble situé dans le sud-ouest de la France.

Et de nombreux négociants en vin, français ou étrangers, se placent sur les vignobles pour assurer leurs approvisionnements en vin ou en raisin, relève Robert Levesque, directeur de Terres d'Europe Scafr, société de conseil pour l'aménagement foncier et rural, au cours d'une conférence de presse mercredi.

Mais il n'y a pas que les bonnes bouteilles françaises qui suscitent la convoitise. Fin 2013, un fonds de pension belge a acquis 250 hectares de grandes cultures type blé ou betterave dans le nord de la France.

"On sait également que des Chinois s'intéressent à des terres arables puisqu'on a eu récemment un candidat pour l'achat de 300 hectares", indique Robert Levesque.

Dans l'élevage laitier, un projet très controversé de ferme géante dans le nord-ouest de la France, la ferme dite des Mille vaches --qui oppose les défenseurs d'une agriculture industrielle à ceux prônant un modèle à taille humaine -- est mené par un entrepreneur du bâtiment.

"Il a réussi à contrôler plusieurs exploitations sous forme de parts sociales et à comptabiliser un quota (de production) de 8,5 millions de litres de lait", explique Robert Levesque.

"La France fait partie des rares pays où il y a une stabilité de production, avec un régime politique, jusqu'à aujourd'hui, stable, ce qui fait que des investisseurs regardent avec intérêt", analyse Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer.

Le problème est double pour lui. Ces investisseurs ne se contentent pas d'acquérir les terres et de les louer, ils les exploitent pour leur propre compte.

Cela menace l'agriculture familiale, et "l'autonomie alimentaire de notre pays" car il est bien possible, qu'un jour, ces investisseurs décident d'alimenter l'étranger avec les ressources agricoles françaises plutôt que d'approvisionner en priorité la France, s'inquiète Emmanuel Hyest.

Sur des projets franco-français comme la ferme dite des Mille vaches, ce n'est pas la taille de l'exploitation qui est problématique pour les Safer mais "le fait que c'est un modèle financier" et pas un ou des agriculteurs derrière le projet.

Et le sujet est d'autant plus épineux que les Safer, censées être les garantes de la bonne répartition des terres agricoles françaises, n'ont aucun pouvoir d'intervention sur ces opérations financières.

Car ces transactions se font par transferts de parts sociales, en toute discrétion et les acquéreurs n'ont "pas besoin de demander des droits pour exploiter puisqu'on achète les parts sociales d'une société qui est déjà en exploitation".

Il y a donc pour Emmanuel Hyest un problème de "contrôle" et de "transparence". Ainsi, il demande que ces transferts soient déclarés, un peu comme pour les actionnaires des sociétés cotées qui sont obligés de déclarer à l'Autorité des marchés financiers les franchissements de seuils dans leurs prises de participation boursière.

Cela permettrait, le cas échéant, "des interventions appropriées" des Safer qui peuvent faire valoir un droit de préemption.

"On parle d'accaparement des terres au niveau mondial mais le phénomène concerne un certain nombre de zones à l'intérieur même de l'Europe", met en garde Robert Levesque.

En Roumanie par exemple, trois exploitations comptent plus de 50.000 hectares et certaines sont détenues en partie par des capitaux américains ou des pays du Golfe, relève-t-il.

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