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L'Est de l'Ukraine comme coupé de la présidentielle

L'Est de l'Ukraine comme coupé de la présidentielle

Bureaux de vote fermés, électeurs qui cherchent où voter, participation faible dans les quelques bureaux ouverts: l'Est séparatiste de l'Ukraine, théâtre de combats sporadiques, semblait dimanche coupé de la présidentielle qui se déroulait dans le reste du pays.

Les rebelles de l'Est avaient averti que toute tentative de vote serait empêchée, y compris "par la force", mais en fin de journée dans les rares villes où les électeurs pouvaient voter, aucun incident majeur n'avait été rapporté.

Au final, d'après des chiffres officiels, seul 13% des bureaux ont ouvert dans les régions de l'Est qui ont déclaré leur indépendance du reste du pays.

A Donetsk, bastion rebelle d'un million d'habitants, les rues étaient vides et aucun bureau de vote ne semblait ouvert. En haut des marches du bureau n°7, des portes closes, pas la moindre inscription, personne à l'intérieur. Un contraste saisissant avec la situation d'il y a deux semaines, quand ils étaient nombreux à se presser dans ce bureau pour approuver par référendum l'indépendance de la région.

Les seules urnes aperçues dans la ville sont celles que les rebelles ont déposées devant le siège de l'administration régionale, leur quartier général en plein centre de Donetsk. Elles servent de poubelles, pour le plus grand plaisir des quelques séparatistes présents.

"L'Ukraine est maintenant un autre pays donc je ne vois pas pourquoi nous devrions prendre part à cette élection", a ainsi déclaré Elisaveta, une Ukrainienne rencontrée dans le centre-ville. "Peu importe le résultat, cela ne nous concerne plus aujourd'hui", a-t-elle ajouté.

Sur la place Lénine, quelques 2.000 personnes se sont rassemblées pour soutenir les séparatistes en chantant "vous êtes nos héros" et "Ne faisons pas de prisonniers, tuons-les".

La place était bien gardée: environ 200 hommes, masqués et armés dans des véhicules militaires étaient présents pour assurer la sécurité de l'obscure Premier ministre de la république de Donetsk, le Russe Alexandre Borodaï.

Malgré tout, à Donetsk, certains étaient déterminés à voter et désespérés d'en être empêchés. Devant la porte fermée de l'école n°16, où elle vote habituellement, Raïssa se désole. "Nous sommes allés jusqu'à l'aéroport, il n'y avait rien alors que nous avions lu que l'on pouvait voter là-bas", dit-elle en référence aux rumeurs infondées d'installations d'urnes à l'aéroport de Donetsk.

"Nous ne pourrons pas voter, cela me donne envie de pleurer. Je ne peux plus supporter cette situation, je veux voter pour changer ça parce que j'aime l'Ukraine", explique Raïssa à l'AFP, les larmes aux yeux en montrant son passeport ukrainien caché dans son soutien-gorge parce que c'est "dangereux".

Elle quitte ensuite rapidement les lieux, prise à partie par une babouchka, qui lui hurle qu'elle est une "traitre".

Dans les bureaux de Marioupol, à 120 kilomètres au sud de Donetsk, les bulletins sont arrivés dans la nuit. "Jusqu'à la dernière minute, nous ne savions pas si nous pourrions ouvrir", explique Andreï Tchegrine, qui préside un bureau de vote proche de la principale entrée des gigantesques usines sidérurgiques dont les cheminées sont visibles partout dans la ville.

Dans cette cité portuaire de 450.000 habitants, où sept séparatistes et deux soldats ont été tués dans des affrontements le 9 mai, la quasi-totalité des bureaux de vote était ouvert sans qu'aucune présence policière renforcée soit visible. Mais il n'y avait pas foule.

"Nous avons vraiment peu de gens. Tout le monde a peur. En milieu d'après-midi, nous avons compté 25% de votants, une grosse chute par rapport aux élections précédentes", analyse M. Tchegrine alors qu'en face de lui, le drapeau ukrainien, scotché à la hâte, vient de se détacher du mur.

"Si nous avons peur de venir voter à cause de quelques hommes armés, alors c'est la fin. Qu'ils essaient d'ouvrir le feu sur nous, des citoyens innocents, et alors plus personne ne va les soutenir", s'enflamme Olga, qui est venue voter avec sa fille de huit ans dans la banlieue de Marioupol.

C'est dans ce bureau qu'est venu voter le gouvernement de la région, Serguei Taruta, nommé par Kiev il y a quelques mois, explique l'un des trois policiers qui surveille mollement le bureau de vote, vautré dans sa voiture, la cigarette à la main.

"Je suis fatiguée de ce bordel et j'espère qu'après l'élection, l'ordre va revenir", se désole Natalia, une retraité de 67 ans, qui a travaillé dans les usines de Rinat Akhmetov.

Ce magnat industriel, premier employeur de la ville et du pays a clairement pris position il y a quelques jours contre les rebelles, qu'il accuse de mettre l'Est à feu et à sang.

A 100 kilomètres à l'ouest de Donetsk, dans la ville de Dobropillia, protégée par l'armée ukrainienne, le drapeau bleu et jaune flotte.

"Je me suis senti l'obligation de venir voter", a indiqué à l'AFP Natalia Filatova, qui travaille dans une entreprise agricole.

Natalia a voté pour le milliardaire pro-occidental Petro Porochenko, le favori du scrutin donné vainqueur dimanche soir par les sondages à la sortie des bureaux de vote. Il faut un président élu au travail "le plus tôt possible", estime-t-elle.

Un autre électeur de Dobropillia, Viktor Podkoïko, dit avoir "voté pour l'avenir de l'Ukraine, pour l'Europe". "Nous n'avons pas besoin des Russes", ajoute cet ancien mineur.

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