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Nouvelle épidémie au Pakistan: "la polio confusion"

Nouvelle épidémie au Pakistan: "la polio confusion"

Premier incubateur mondial de polio, le Pakistan est désormais gagné par une toute nouvelle épidémie, de "confusion", depuis que l'OMS a appelé à vacciner tous les voyageurs au départ du "pays des purs". Un chaos à l'origine de scènes épiques...

Dans une clinique aux murs décorés d'affiches de Minnie la Souris, Superman et Winnie l'Ourson, des familles font la queue tels les Gaulois du village d'Astérix pour recevoir des gouttes de la précieuse potion: le vaccin antipolio.

La foule commence à s'éclaircir lorsque le personnel invite des retardataires à repasser le lendemain au risque de voir le ciel leur tomber sur la tête.

Furieux, des hommes qui doivent être vaccinés pour s'envoler dans la nuit enguirlandent le directeur de l'unité pédiatrique de cet hôpital public qui leur répond de tout son fiel.

"Nos patients souffrent! Ce n'est pas notre boulot de vous donner des vaccins antipolio, notre boulot c'est de soigner les enfants malades qui arrivent à l'hôpital", hurle le Dr Tabish Hazir.

"Nous vous administrons ces vaccins uniquement parce que c'est la confusion à l'heure actuelle", enchaîne-t-il, sans décolérer. "Le gouvernement n'était pas prêt, il n'avait pas prévu que l'OMS allait imposer des restrictions. C'est arrivé tout d'un coup, comme une bombe!".

Début mai, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a décrété un état "d'urgence de santé publique" mondiale due à l'exportation de la polio à partir du Pakistan, du Cameroun et de la Syrie.

De ces trois pays, le Pakistan est de loin le plus touché par cette maladie qui entraîne la paralysie, principalement chez les bambins, avec 80% des cas diagnostiqués depuis le début de l'année à travers le monde.

Au Pakistan, les autorités multiplient depuis plusieurs années les campagnes pour éradiquer la polio.

Mais la vaccination se heurte à une vive hostilité dans les zones tribales du nord-ouest et certains quartiers de la mégapole Karachi (sud), fiefs montagneux et urbains des talibans où sont concentrés la quasi-totalité des cas de polio.

Plus de 50 bénévoles et policiers ont été tués dans des attaques antipolio en un peu plus d'un an. A ces violences, s'ajoute l'opposition de communautés qui soupçonnent le vaccin de contenir du porc ou de causer l'infertilité, et les vaccinateurs d'être des espions à la solde de l'Occident.

La nouvelle campagne de vaccination lancée à l'appel de l'OMS ne vise pas tant à éradiquer la polio au Pakistan qu'à stopper sa propagation au-delà de ses frontières.

Pour quitter le pays, tous les voyageurs, et non seulement les enfants, doivent avoir été vaccinés dans la dernière année, et ce même s'ils étaient déjà immunisés.

Aussi faut-il prouver sa vaccination récente dans un pays où les personnes immunisées reçoivent rarement des certificats à leur nom.

Les enfants de Mahwish et Bilal Khan, un couple d'Islamabad, avaient ainsi été vaccinés, et disposaient même de papiers pour le prouver, mais les preuves présentées n'ont pas suffi.

Il a donc fallu revacciner toute la famille pour obtenir le sésame des autorités, en cherchant où aller.

"On nous avait dit que la vaccination se ferait à l'aéroport, avant de quitter le pays, puis qu'il fallait être vacciné au moins quatre semaines avant de partir mais qu'il y avait aussi des exceptions. C'est déconcertant", soupire la mère.

Si la polio se manifeste presque exclusivement chez les jeunes enfants, l'OMS a exhorté les autorités à immuniser aussi les adultes quittant le pays.

"C'est vraiment étrange qu'à mon âge, j'aie besoin d'être à nouveau vacciné", ronchonne Farrukh Qureshi, retraité de 84 ans, casquette de papy au charme suranné vissée sur son crâne dégarni.

"C'est qu'un pourcentage d'adultes porteurs du virus (sans développer les symptômes) a joué un rôle dans la propagation de la polio à d'autres pays", se défend Keith Feldon, chef de la campagne locale antipolio de l'OMS.

Les cliniques réquisitionnées par le gouvernement pour la vaccination gratuite débordent ces jours-ci. Et des médecins exerçant dans le privé font des affaires d'or, facturant jusqu'à 35 dollars pour déverser les gouttes du vaccin sur la langue de voyageurs.

Le gouvernement a appelé l'armée en renfort afin de vacciner la population à la sortie des zones tribales, adossée à la frontière ultra-poreuse avec l'Afghanistan qui devra en théorie être interdite aux voyageurs non vaccinés.

Les Pakistanais qui s'apprêtent à s'envoler pour les Emirats, le Canada et la Grande-Bretagne, eux, angoissent. Seront-ils interpellés dans des aéroports étrangers parce qu'ils viennent du "pays de la polio", étiqueté de surcroît "pays d'Al-Qaïda"?

"Dans les aéroports étrangers le personnel nous regarde déjà avec suspicion, nous, les Pakistanais. C'est une épreuve de plus", lance Nazir Ahmad, un commerçant de Karachi (sud).

"Mais s'il faut passer par là pour éradiquer la polio, nous le ferons", lance Mahwish, sa fillette de sept mois dans les bras.

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