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Festival de Cannes: Xavier Dolan nous écrit (ENTREVUE)

De Cannes, Xavier Dolan nous écrit (ENTREVUE)
Les Films Séville

Xavier Dolan est déjà arrivé sur la Croisette. Il accompagne son nouveau film Mommy en sélection officielle qui sera présenté dans quelques jours aux festivaliers. Semaine occupée pour le jeune réalisateur québécois. Entre les entrevues à la presse internationale et avant la montée des marches au Palais des Festivals, il a accepté de répondre à nos questions.

Quelle est votre définition personnelle du Festival de Cannes?

Cannes est un lieu de transactions, de rencontres, de consécration, d’ostracisme. Les critiques font et défont les films. Le temps s’arrête et les heures se comptent différemment, s’investissent autrement. Comme dans un site vacancier, les gens ont leurs repères, leurs tics, leurs adresses, leurs bêtes noires. Tout le monde espère quelque chose, ici. Et je ne sais pas s’il n’est jamais possible de s’immuniser contre l’effet dévastateur ou euphorisant des retombées cannoises, positives ou négatives.

En tout cas, une chose est sûre, Cannes, ça n’est pas de la tiédeur, ça n’est pas du compromis, ni du juste milieu. On tourne en couleur, mais le Festival est tout noir, ou tout blanc. Reste à savoir ce qui fait votre affaire.

Votre premier film J’ai tué ma mère s’est retrouvé à Cannes en 2009. Quel souvenir le plus marquant en gardez-vous?

Lors de ma première visite, j’avais été bluffé par la standing ovation après J’ai tué ma mère, à la Quinzaine. Plus tard, en voyant d’autres films à Cannes, j’ai compris qu’à quelques exceptions près, les ovations sont monnaie courante. J’ai vu des films fort ordinaires être applaudis interminablement, et j’ai compris que ça ne voulait rien dire. Reste que la première ovation reste la première. Elle est magique, et par la suite, rien ne l’égale. Quelque chose quelque part en vous n’est plus vierge, pour toujours. Comme une innocence perdue, quelle que soit la sincérité des gens vous entourant.

Entre le glamour et l’exigence d’un cinéma d’auteur réunis durant le festival, où se situe Dolan?

Mommy n’est un film d’auteur que techniquement, parce que j’en suis le réalisateur et l’auteur. Mais pour échapper aux a priori qui collent à cette étiquette, c’est un film qui est ouvert, généreux, et le plus accessible de tous mes films. Je ne le situerais pas dans une catégorie, car je ne pense jamais en termes de catégories, mais en termes d’efficacité, et de fonctionnalité. Le film fonctionne-t-il? Le film remporte-t-il son pari auprès du spectateur? Chaud ou froid, cérébral ou émotif… ce sont des étiquettes et ils nous briment au final, nous enferment.

L’important, c’est que le film fasse ce qu’il doit faire comme il doit le faire, de la bonne façon, au bon moment. Si l’histoire est là, si le film ne s’en égare pas, ne s’égare pas du style que commande son histoire, alors je pense que glamour ou exigeant, on s’en fout, le film existe et sera bon.

Mommy en sélection officielle : pas trop tôt ou bien chaque chose en son temps?

Chaque chose en son temps (évidemment). Dans la notion de timing, on n’est jamais seuls. C’est la force du festival. Cette traditionnelle et légitime façon de penser à la conjoncture, parfois à la défaveur du candidat. Qui, quoi, comment, pourquoi, à quel moment. Je comprends aujourd’hui pourquoi il est optimal - ou mieux, si l’on veut comparer - que Mommy soit en compétition, ici et maintenant. Et j’en suis heureux, et reconnaissant. Car oui, la conjoncture est intéressante.

Mais le bonheur d’aujourd’hui n’efface pas les déconvenues passées. Au fond de moi, la déception passagère de voir Laurence Anyways échapper à ce catalogue existe encore, dans ma mémoire, uniquement. C’était une déception humaine, même si les gens ont préféré en faire ce qu’ils voulaient, pour se moquer de moi, pour me faire passer pour ce que je ne suis pas. Ils auraient pu comprendre ce que c’est que d’être déçu, bien qu’on soit comblé tout de même.

Mais la simple déception, ça n’est pas assez vendeur sur papier. Les gens sans empathie ne sentent pas les autres, ils ne sentent pas les choses, alors ils pallient toujours ce manque de pif par un parfum de scandale, au final bien inintéressant. C’est dommage parce qu’à force de se concentrer sur ces chimères-là, on rate l’essentiel. L’essentiel, c’est d’aimer ou non un film. Pas la personne qui l’a fait.

Hormis les entrevues à la tonne, quoi faire sur la Croisette? Les soirées mondaines? Aller voir des films? Si oui, lesquels avez-vous hâte de voir? Ou bien se ronger les ongles dans la chambre d’hôtel...

Je n’ai pas besoin d’être dans ma chambre pour me ronger les ongles. Je me les ronge tout le temps de toute manière, que j’attende de monter les marches ou que j’attends mon HiBoy chez Dic Ann’s.

Cannes est un amalgame. On trouve toujours le temps, finalement, pour voir les gens ou faire quelque chose. On passe d’une fête à l’autre, on va à la mer, on mange, on court partout. Hop, on se glisse à un film, et après il y a un dîner, etc., etc., etc. C’est un train de vie complètement unique. J’ai vu Saint-Laurent de Bonello où Gaspard Ulliel brille de tous ses feux - et même de ceux des autres. Je verrai aussi Foxcatcher, avec Channing Tatum. J’en mourrai peut-être.

Est-ce qu’on arrive à dormir quand on se retrouve si proche de la Palme d’or?

Non : Qu’est-ce qu’on fait à la place?

On répond aux questions du Huffington Post!

Oui : De quoi rêve-t-on?

À quelqu’un qui n’a rien à voir avec tout ça.

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