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Bataille autour de Tempelhof, ancien aéroport devenu terrain de jeux des Berlinois

Bataille autour de Tempelhof, ancien aéroport devenu terrain de jeux des Berlinois

L'ancien aéroport berlinois de Tempelhof, symbole de la Guerre froide, est devenu un vaste espace vert, aujourd'hui au coeur d'une bataille farouche entre promoteurs d'un projet d'aménagement et opposants attachés à l'esprit libertaire et autogéré du lieu.

C'est un espace immense et quasiment vide, au milieu d'une ville de 3,4 millions d'habitants. Avec ces 300 hectares, il est un peu moins grand que le Central Park de New York, mais presque dix fois plus que La Villette, le plus étendu des parcs parisiens.

C'est un espace chargé de souvenirs dans une capitale marquée par l'histoire du XXe siècle: une friche bordée par une aérogare en demi-cercle, typique du gigantisme architectural nazi, construite entre 1936 et 1941.

Un haut lieu des débuts de la Guerre froide également. C'est là qu'eurent lieu les quelque 277.000 atterrissages du pont aérien qui permit de ravitailler la ville pendant le blocus organisé par les Soviétiques en 1948-49.

Ouvert au public en 2010, Tempelhof est aujourd'hui le temple du loisir de plein air berlinois, prisé des amateurs de cerfs-volants géants ou de parties de foot au milieu des pistes, un espace où l'on vient griller quelques saucisses sur un barbecue de fortune et où on oublie rapidement la ville dont les reliefs disparaissent presque au profit du ciel omniprésent. Un jardin potager bio et un mini-golf à base d'objets recyclés y ont aussi élu domicile.

Mais le vaste terrain plat giflé par les vents est devenu le symbole du débat autour du développement de Berlin, une cité prisée pour son style de vie détendu et financièrement accessible, mais qui se transforme rapidement au rythme des chantiers, au risque, selon certains, d'y perdre son âme.

Le 25 mai, alors que l'Europe votera pour élire son parlement, les Berlinois voteront aussi pour l'avenir de "leur" aéroport emblématique. En six ans, c'est la deuxième fois qu'ils s'exprimeront sur Tempelhof. En avril 2008, ils avaient acté la fin de son activité aéroportuaire.

Le gouvernement de la ville-Etat de Berlin entend désormais y mener un projet d'aménagement comprenant 4.700 logements, des espaces commerciaux, une grande bibliothèque, des terrains de sport et un plan d'eau sur environ 20% de la surface actuelle.

Mais une "initiative citoyenne" née dans les quartiers voisins de l'aéroport, rejette ce qu'elle considère comme le symbole de l'embourgeoisement rampant de la ville. Elle a réussi à déclencher un référendum en recueillant plus de 185.000 signatures.

"Le reproche principal, c'est que cet aménagement n'est pas destiné à la majorité des Berlinois, c'est un projet pour les investisseurs", affirme à l'AFP Kerstin Meyer, membre de l'initiative baptisée "100% Tempelhof". La moitié des constructions est destinée aux entreprises et les prix des logements maintiennent à l'écart "les deux tiers de la population berlinoise", affirme l'association.

Berlin "a souhaité que les quartiers créés conservent la mixité qui (la) caractérise, c'est-à-dire que toutes les couches de la population doivent pouvoir y habiter", se défend Gerhard Steindorf, directeur du "Projet Tempelhof" pour la ville. La moitié des logements doit garder des loyers modérés, compris entre 6,5 et 8 euros/m2, charges non comprises, détaille-t-il.

Par ailleurs, "230 hectares doivent rester libres en son centre, c'est plus que le Tiergarten", autre grand parc berlinois, près de la porte de Brandebourg, souligne-t-il alors que l'initiative citoyenne refuse toute construction d'envergure sur Tempelhof.

La campagne a battu son plein pendant des mois. "Façonner l'avenir plutôt que la stagnation", proclamaient les affiches du parti social-démocrate, membre de la coalition au pouvoir à Berlin. "Respirer la prairie" et "voir loin", répondaient celles du collectif.

Les deux camps entendent défendre leur philosophie de développement urbain.

Pour les responsables locaux, qui prennent en compte le fort potentiel d'attraction de Berlin, il va falloir faire face à l'afflux de nouveaux habitants, "250.000 à 285.000 à l'horizon 2030", selon M. Steindorf, et éviter qu'ils s'installent en périphérie, un modèle qui a échoué. Il plaide pour "une densification à l'intérieur même des villes jusqu'à un certain point".

Côté associatif, on souhaite que les citoyens se réapproprient leur ville. "Cet endroit est devenu en quatre ans un lieu très innovant, ce qu'on appelle un +bien commun+ avec une gouvernance qui s'organise", explique Mme Meyer. "Dans la ville d'aujourd'hui, on n'a plus beaucoup d'occasions de gérer ensemble, là, il n'y a aucun profit, cela doit être très perturbant pour le système".

Promoteurs et opposants du projet se retrouvent cependant sur un constat: le résultat du référendum est "très ouvert". Selon le dernier sondage en date, paru vendredi, à un peu plus d'une semaine du scrutin, c'est l'initiative citoyenne qui a le vent en poupe, recueillant 54% des suffrages contre 39% pour le projet.

elr/aro/cac

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