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Colombie: les Farc, de l'insurrection paysane aux pourparlers de paix

Colombie: les Farc, de l'insurrection paysane aux pourparlers de paix

Issue d'une insurrection paysanne en pleine guerre froide, la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) défie l'Etat colombien depuis un demi-siècle, mais semble aujourd'hui décidée à déposer les armes avec des pourparlers de paix historiques lancés fin 2012.

La plus ancienne rébellion d'Amérique latine a tenu tête à 12 présidents, s'érigeant comme un des principaux acteurs d'un conflit qui a mis la Colombie à feu et à sang pendant 50 ans et impliqué rébellions de gauche, groupes paramilitaires d'extrême droite et trafiquants de drogue.

Les Farc ont été fondées le 27 mai 1964 par Pedro Antonio Marin, qui a pris le nom d'un dirigeant communiste mort en 1951, Manuel Marulanda, et était surnommé "Tirofijo" ("Dans le mille").

Ce jour là, une attaque lancée par le gouvernement du président conservateur Guillermo Valencia contre plusieurs "républiques indépendantes" sous influence communiste dans le centre-ouest du pays a convaincu Marulanda et une poignée de fidèles de fonder ce groupe voué dans un premier temps à l'autodéfense face à un Etat inégalitaire.

Peu après les Farc, sont apparues d'autres guérillas marxistes telles que l'Armée de libération nationale (ELN, toujours active) et des groupes paramilitaires d'extrême droite qui se sont mêlés au conflit avant d'être démobilisés au mitan des années 2000.

Selon des données officielles, le conflit interne en Colombie a fait quelque 220.000 morts et 5,7 millions de déplacés entre 1958 et 2012, traumatisant des générations de Colombiens.

Solidement implantées dans les campagnes du sud du pays, les Farc se sont d'abord présentées comme les défenseurs des paysans, s'appuyant sur un discours marxiste-léniniste et bénéficiant un temps du soutien d'intellectuels de gauche.

"Le mouvement a compté jusqu'à une centaine de +fronts+" et quelque 16.000 hommes à son apogée, vers la fin des années 1990, rappelle l'écrivain et journaliste Antonio Caballero.

La guérilla nourrissait alors l'ambition de renverser le pouvoir par les armes, mais elle n'est jamais parvenue à ses fins et, au tournant des années 2000, les coups de boutoir infligés par le gouvernement du conservateur Alvaro Uribe avec le soutien des Etats-Unis ont étiolé ses rangs.

Après Marulanda, décédé à 77 ans de mort naturelle en 2008, Alfonso Cano a pris les rênes du mouvement, mais il a été abattu en 2011, à l'âge de 63 ans, faisant place à Timoleon Jimenez, alias "Timochenko", un universitaire formé en Russie aujourd'hui âgé de 55 ans.

Aujourd'hui entre 7 et 8.000 combattants, essentiellement repliés dans les zones rurales du pays, font face à près d'un demi-million de militaires et policiers.

Les Farc "n'ont plus la possibilité d'arriver au pouvoir" par les armes, constate le sociologue Alfredo Molano, auteur de plusieurs ouvrages sur la guérilla, mais celui-ci écarte toutefois la possibilité d'une "défaite totale" de la rébellion.

Diminuée, la rébellion s'est assise à la table des négociations fin 2012 à Cuba avec des représentants du gouvernement de Juan Manuel Santos. Ex-ministre de la Défense d'Uribe et favori à la réélection ce 25 mai, M. Santos a promis aux Colombiens de signer la paix avec les Farc, et maintient la pression sur la guérilla sur le terrain en écartant tout cessez-le-feu.

Ce processus de longue haleine, quatrième du genre, doit consacrer la transformation des Farc en parti politique.

Ces dernières années, la rébellion est parvenue à tenir tête à l'armée et à la police colombienne avec une stratégie moins frontale, alimentée par le recrutement - parfois forcé - de paysans.

De même, les ressources provenant des enlèvements et du trafic de cocaïne ont permis d'assurer la survie et l'attrait de la guérilla pour des jeunes issus de régions déshéritées.

En 2012, la rébellion a annoncé la fin des enlèvements de civils contre rançon. Ces séquestrations, qui servaient aussi à faire pression sur les autorités pour négocier cessez-le feu ou libérations de combattants, ont fortement brouillé l'image d'une rébellion idéaliste luttant pour les droits des paysans.

La réprobation a même franchi les frontières avec les enlèvements très médiatisés de la franco-colombienne Ingrid Betancourt et de nombreux nord-américains.

A l'étranger, les Etats-Unis ont toujours appuyé les efforts des gouvernements colombiens dans leur lutte contre les Farc, considérées par Washington comme une organisation terroriste.

Washington, qui a investi 8 milliards de dollars dans la lutte anti-insurrectionnelle en Colombie ces 10 dernières années, décrit aujourd'hui les Farc comme "des ex-communistes narco-trafiquants", assure M. Molano.

Pour le président Santos, l'essentiel réside aujourd'hui dans la recherche de la paix, qui est selon lui à portée de main. A ses yeux, l'accord conclu la semaine dernière à La Havane sur le volet crucial du trafic de drogue est une étape "définitive".

vel/ag/ml

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