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Pourquoi ces violences antichinoises au Vietnam?

Pourquoi ces violences antichinoises au Vietnam?

Des violences antichinoises, avec pillage d'usines et émeute meurtrière, viennent de secouer le Vietnam. Pourquoi cette flambée de haine?

Le déploiement début mai en mer de Chine méridionale d'une plateforme pétrolière, dans les eaux disputées des îles Paracel, a mis le feu aux poudres d'une crise de plusieurs dizaines d'années.

Selon Hanoï, Pékin a envoyé 80 navires, y compris militaires, pour protéger la plateforme dans cette mer qui constitue un des principaux points de conflit en Asie.

Le Vietnam a déployé de son côté une quarantaine de ses bateaux dans la zone, qui recèleraient d'importantes réserves en hydrocarbures.

"Le message de la Chine, c'est qu'elle est dominante et que le Vietnam doit se soumettre. Cela nourrit le sentiment patriotique et nationaliste antichinois", analyse Carl Thayer, de l'université australienne de New South Wales.

Le conflit prend ses racines dans une animosité historique entre les deux voisins communistes et un nationalisme fort des deux côtés.

En 1974, alors que les Etats-Unis se retiraient du Vietnam, la Chine avait pris le contrôle des îles Paracels, occupées par le Sud-Vietnam. En 1979, les deux voisins communistes se sont également affrontés lors d'une guerre, brève mais sanglante, déclenchée par la Chine en réplique au renversement du régime Khmer rouge au Cambodge, allié de Pékin, par l'armée vietnamienne.

Des usines taïwanaises, coréennes et singapouriennes ont également été visées par les émeutiers.

Selon les experts, derrière la ferveur patriotique animant les manifestants, se cache aussi un mécontentement latent envers les entreprises étrangères, qui font travailler leurs ressortissants plutôt que des Vietnamiens.

"Il y a un profond ressentiment envers les travailleurs chinois, qui ont réussi à venir au Vietnam et à occuper des emplois que les Vietnamiens estiment leur revenir", ajoute-t-il.

"Il y a aussi du ressentiment envers les managers et dirigeants sud-coréens et taïwanais, qui imposent une discipline stricte à leurs employés et ne payent pas les heures supplémentaires", ajoute-t-il.

Les exportations de biens de production sont un pilier de l'économie vietnamienne, avec des géants de l'électronique comme le sud-coréen Samsung ou la marque américaine Nike implantées au Vietnam.

Un retrait des entreprises étrangères porterait un coup à une économie déjà fragilisée par une consommation intérieure en berne, un secteur bancaire problématique et un malaise financier au sein des nombreuses sociétés publiques.

"Les investisseurs étrangers avaient des inquiétudes concernant les réglementations et la gouvernance", souligne Edmund Malesky, professeur d'économie politique à l'université américaine Duke.

Mais la stabilité du pays, régime communiste autoritaire néanmoins ouvert à l'économie de marché, leur semblait acquise. "Les émeutes ont remis en question cette stabilité", ajoute M. Malesky.

Une remise au pas des protestataires fera vite oublier la crise aux investisseurs, qui n'en garderont que le souvenir "d'un petit défaut" au regard des nombreux avantages offerts par l'économie vietnamienne, comme une main-d'oeuvre bon marché à proximité des marchés visés, souligne M. Malesky.

Hanoï se trouve à un tournant, selon les experts, et doit agir pour empêcher de nouvelles violences, après avoir laissé la population exprimer son mécontentement, de façon exceptionnelle.

"Au départ, les émeutes ont pu aider le Vietnam dans sa lutte diplomatique avec la Chine", mais Hanoï doit désormais désamorcer la colère de l'opinion publique sans donner l'impression de céder face à Pékin, explique M. Hayton.

Des manifestations antichinoises dimanche à travers le pays seront le test de la voie choisie. Le choix de la répression est possible, si le régime craint de se faire déborder.

bur-dr-dth/ml

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