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En France, la haute fonction publique reste un club très sélect

En France, la haute fonction publique reste un club très sélect

Si en France le personnel politique s'ouvre (doucement) à la diversité, la haute fonction publique reste un bastion d'hommes blancs formés dans les grandes écoles.

Dans ce cénacle, l'ex-ambassadeur de France en Andorre, qui a démissionné en mars avec fracas de ses fonctions, avait un profil atypique. Ancien footballeur, ex-élu d'Aubervilliers, ville de la banlieue populaire de Paris, Zair Kedadouche s'est dit victime dans sa lettre de démission rendue publique cette semaine d'un "racisme abject" au Quai d'Orsay, des accusations vivement rejetées par le ministère des Affaires étrangères.

Quel que soit le fond de l'affaire, le sentiment de discrimination de M. Kedadouche a pu être nourri par son isolement: il était le seul diplomate issu de l'immigration sur les 32 ambassadeurs nommés par le président socialiste François Hollande lors de sa première année à l'Elysée, selon une étude associative.

Sur les 52 préfets (hauts fonctionnaires représentant l'Etat dans les régions) nommés par le chef de l'Etat pour la même période, seuls trois étaient des représentants des minorités visibles: Nacer Meddah en région Lorraine (est), Marcelle Pierrot en Guadeloupe et Richard Samuel en Isère (centre-est), selon ce décompte du Conseil représentatif des associations noires (Cran) et de Banlieues citoyennes.

En avril 2013, seuls 2,39% des ambassadeurs et 3,96% des préfets étaient issus "de la diversité", toujours d'après cette étude construite, en raison de l'interdiction de statistiques ethniques, sur la base des patronymes et des photos.

Depuis les choses n'ont pas évolué: un recteur (haut fonctionnaire de l'Education nationale) issu de la diversité a été nommé en Conseil des ministres, mais aucun préfet, ambassadeur ou inspecteur général venu des minorités visibles, selon une source au gouvernement.

"Dans son ensemble, la fonction publique est plutôt ouverte aux minorités, les armées notamment sont remarquables en termes de diversité, mais ça s'arrête à un certain niveau hiérarchique", confirme le sociologue Jean-François Amadieu de l'Observatoire des discriminations.

Pour lui, le problème vient du passage quasi obligé par l'Ecole nationale de l'administration (ENA) ou autre grande école. Avec un concours unique très sélectif, elles favorisent indirectement les bien-nés dotés d'un fort capital culturel.

"La difficulté dans ces écoles c'est surtout le grand oral, par essence très subjectif, ajoute Fadiha Mehal, présidente-fondatrice de l'association des Mariannes de la diversité qui milite pour davantage de parité dans la politique. C'est là que se produit l'hécatombe pour les personnes issues de l'immigration qui ne maîtrisent pas toujours les codes de langage et de savoir-être des élites."

Pour cette militante, la haute fonction publique est à rebours des évolutions du temps: en politique et dans les médias, la diversité a progressé, dit-elle.

Le bilan dans le secteur privé est plus contrasté. Mais "les dirigeants peuvent arriver à considérer qu'ils sont faillibles: si on leur montre des statistiques, ils peuvent admettre le problème et entamer une réflexion avec leur direction des ressources humaines", souligne-t-elle.

C'est ainsi que des entreprises comme le groupe de luxe L'Oréal ont engagé des programmes pour rendre leur programme de recrutement le moins discriminant possible.

A l'inverse, juge-t-elle, "la fonction publique est innervée par le principe d'égalité", qu'elle considère respecter avec des concours similaires pour tous les candidats. "La fonction publique reste rétive (aux actions correctives) à cause de sa conviction d'être dans l'égalité."

Par ailleurs, pour les plus hauts postes, qui dépendent d'une nomination politique, "le climat n'est pas favorable aux minorités avec la montée du Front national (extrême droite) qui pousse à la frilosité", selon Mme Mehal.

Fini le temps où l'ex-président de droite Nicolas Sarkozy (2007-2012) s'affichait avec "le premier préfet musulman" ou avec des conseillers issus de l'immigration. "Le gouvernement précédent ne s'est pas servi de ces exemples pour structurer une politique publique", regrette-t-elle. "Et maintenant, la fenêtre de tir est passée."

chp/via/prh/ia

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