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Les anti-euro, porte-voix d'une Allemagne inquiète de payer pour les autres

Les anti-euro, porte-voix d'une Allemagne inquiète de payer pour les autres

"La crise de l'euro m'inquiète beaucoup. Elle n'est pas terminée", assure Kathrin Rommel, 47 ans, lors d'un meeting pour les élections européennes du parti "anti-euro" allemand AFD qui surfe sur l'hostilité aux plans de sauvetage des pays du Sud.

Cette femme, aux longs cheveux bruns teintés de rose, exprime une inquiétude diffuse chez ses compatriotes, en brandissant, devant la cathédrale de Cologne (ouest), une pancarte sur laquelle est écrit: "il faut cesser de faire des dettes pour nos enfants".

Sous un soleil radieux, Bernd Lucke, professeur d'économie de Hambourg (nord) et tête de liste de l'AFD harangue une foule de quelques centaines de sympathisants. "La chancelière Angela Merkel veut sauver l'euro peu importe le coût que cela aura", accuse-t-il, très applaudi.

Son tout jeune mouvement créé au printemps 2013, qui plaide pour une "dissolution ordonnée" de la monnaie unique, avait créé la surprise aux législatives allemandes de septembre en frôlant la barre des 5% nécessaires pour entrer au Bundestag.

Il espère faire encore mieux aux européennes, dans un système à la proportionnelle qui devrait lui garantir des députés au parlement de Bruxelles.

La crise ukrainienne a chassé des gros titres les déboires de l'euro alors que la confiance vis-à-vis de la Grèce et d'autres pays européens en crise a été en partie rétablie. Mais les Allemands restent inquiets pour l'avenir.

"Il y a beaucoup d'incertitude à cause du vieillissement de la population. Les gens sont préoccupés par leur retraite, pensent qu'ils vont devoir travailler plus longtemps", constate Andrea Roemmele, politologue de l'institut allemand Herthie School of Governance, à propos du pays le plus âgé d'Europe.

Selon un sondage publié récemment par Bild, le journal le plus lu du pays, quatre Allemands sur cinq jugent que la crise de l'euro n'est pas surmontée.

Le quotidien populaire s'est illustré ces dernières années par des articles provocateurs décrivant les Européens du sud comme des assistés oisifs vivant au crochet de l'Allemagne, principal contributeur aux plans de sauvetage de la zone euro.

A Cologne, les "anti-euro" jouent sur du velours en attaquant la politique de la Banque centrale européenne et ses taux bas, responsables selon eux des très faibles rémunérations de l'épargne allemande. "Les épargnants ont perdu leurs illusions, ils ne reçoivent quasiment plus d'intérêts pour l'argent qu'ils ont placé en banque", lance M. Lucke.

Alexander Düsing, étudiant en économie de 19 ans, applaudit. Sans regretter le deutschemark, remplacé par l'euro quand il avait huit ans, il pointe la "menace" que représente selon lui pour l'Allemagne les pays surendettés du sud de l'Europe.

Il est bien décidé à voter aux européennes pour l'AFD, à ses yeux une bonne alternative aux partis traditionnels.

Le nouveau mouvement, fort de 17.000 membres, réunit des gens issus d'horizons très divers, comme l'ancien président de la Fédération des industriels allemands, Hans-Olaf Henkel, numéro deux sur la liste des européennes, qui en son temps, plaida pour l'introduction de l'euro, ou d'anciens sociaux-démocrates.

En soufflant sur l'euroscepticisme, M. Lucke sait qu'il dispose d'un créneau favorable, d'autant plus que l'extrême droite, qui l'exploite traditionnellement, reste marginalisée dans un pays marqué par la dictature nazie.

Les instituts de sondage créditent l'AFD d'un score compris entre 5 et 6%, M. Lucke espère faire mieux: "entre 6 et 8%", prédit-il, dans un entretien à l'AFP.

Le parti "tente de plus en plus d'occuper la place laissée à droite par les conservateurs qui se sont rapprochés du centre", sur des thèmes comme la famille ou l'immigration, remarque Mme Roemmele.

Récemment, l'AFD a pris un ton franchement provocateur, comme sur son affiche avec une photo de Kim Jong-Un et un slogan choc: "un point commun entre le gros Coréen et l'UE, leur compréhension de la démocratie".

Mais il se défend d'être un mouvement d'extrême-droite. "Si nous entrons au parlement européen, nous n'allons certainement pas nous rapprocher des partis populistes de droite", prévient M. Lucke, qui rejette notamment le Front National français.

clp/aro/jh

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