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Lakhdar Brahimi, l'homme des missions impossibles, jette l'éponge

Lakhdar Brahimi, l'homme des missions impossibles, jette l'éponge

Le diplomate des missions impossibles, Lakhdar Brahimi, aura tout tenté pour mettre un terme à la guerre civile en Syrie, avant de jeter l'éponge mardi, en raison du dialogue de sourds entre régime et opposition et la paralysie totale de l'ONU.

M. Brahimi, qui devra quitter son poste le 31 mai, s'est dit "très triste de quitter son poste, et la Syrie, dans une si mauvaise situation".

A 80 ans, celui qui croyait que dans tout conflit il y avait une fenêtre d'opportunité, tire sa révérence, près de deux ans après avoir été nommé en septembre 2012 envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie.

Son attitude, où se mêle humour, fermeté et surtout un pragmatisme, lui avait permis de réunir par deux fois à la table de négociations en janvier et février 2014 à Genève les adversaires syriens sous la houlette des Etats-unis et de la Russie mais sans aucune avancée.

"Je ne suis pas déçu, je n'attendais pas un résultat", avait alors déclaré le diplomate algérien, résumant son état d'esprit.

Mais récemment, selon un de ses amis, il avait compris que l'une après l'autre, les issues se fermaient. Le régime a annoncé la tenue d'une présidentielle sans la présence de l'opposition le 3 juin, ignorant totalement sa mise en garde sur le fait que cela sonnait le glas des négociations.

Les autorités syriennes l'ont même accusé d'avoir "outrepassé" son rôle. "Il n'est pas habilité à tenir de tels propos et son rôle n'est pas de discuter de questions de souveraineté qui concernent les affaires intérieures syriennes", avait affirmé le ministre de l'Information Omrane al-Zohbi.

Malgré tout, il avait continué sa mission en se rendant en mars en Iran, principal allié de Damas.

Mais M. Brahimi ne peut plus s'appuyer sur un consensus américano-russe. Cela a volé en éclat avec la crise ukrainienne et désormais Moscou et Washington sont à couteaux tirés.

Pour se consoler, il peut se dire qu'il a modestement fait avancer les négociations en vue d'une levée du siège de la vieille ville de Homs. Finalement, un accord entre protagonistes a permis une sortie des insurgés du secteur.

"Pour un diplomate, Lakhdar a un franc-parler et une honnêteté qui sont atypiques. Je pense que cela permet de lui faire confiance assez rapidement", affirme à l'AFP Fred Eckhard, ancien porte-parole de l'ex-patron de l'ONU Kofi Annan.

M. Brahimi est doté également d'une "patience sans bornes pour un homme qui a atteint ses 80 ans" et d'une "capacité d'écoute absolument exceptionnelle", souligne Ghassan Salamé, doyen de l'École des Affaires Internationales à Sciences-Po Paris, qui a côtoyé le diplomate.

"Il recherche constamment les 'soft spots' (points faibles, ndlr) chez les belligérants et (poursuit) l'objectif final en dépit des vicissitudes du chemin", ajoute-t-il.

"Je suis souvent accusé d'être lent, mais je pense que c'est une manière bien plus rapide (de faire avancer les choses) que la précipitation", avait expliqué M. Brahimi à Genève.

Kofi Annan, son prédécesseur au poste de médiateur pour la Syrie, avait avant lui baissé les bras après cinq mois. La nomination de M. Brahimi, ex-chef de la diplomatie algérienne, avait laissé d'ailleurs certains observateurs sceptiques.

Ce père de trois enfants était sorti une nouvelle fois de sa retraite.

Il avait été nommé émissaire de l'ONU en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001, puis en Irak après l'invasion américaine de 2003. Auparavant, il avait notamment dirigé la mission de l'ONU en Afrique du Sud pendant les élections de 1994 qui ont amené au pouvoir Nelson Mandela, puis a été envoyé au Yémen en pleine guerre civile.

Maîtrisant le français et l'anglais, il s'est fait connaître en 1989 en contribuant à l'accord de Taëf qui avait mis fin à la guerre civile au Liban.

Il fait partie du groupe des "Elders" (anciens), qui réunit des personnalités oeuvrant au règlement des conflits comme Jimmy Carter, Kofi Annan ou Desmond Tutu.

"Optimiste forcené", il a affirmé un jour que jamais dans sa carrière il n'avait cru "qu'une situation était sans espoir".

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