Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Turquie: un témoin met en cause quatre policiers jugés pour le meurtre d'un manifestant

Turquie: un témoin met en cause quatre policiers jugés pour le meurtre d'un manifestant

Un témoin est venu lundi devant le tribunal de Kayseri (centre) raconter comment quatre policiers en civil, poursuivis pour meurtre, avaient battu à mort un jeune manifestant pendant la fronde antigouvernementale d'il y a un an en Turquie.

Lors de la deuxième audience de ce procès emblématique de la répression exercée par le gouvernement turc contre les contestataires, Semih Berkay Yapici a battu en brèche la version des accusés, qui ont nié avoir passé Ali Ismaïl Korkmaz à tabac en marge d'une manifestation à Eskisehir (ouest) le 2 juin 2013.

"J'ai vu Ali Ismaïl être frappé dans le dos et à la tête, encore et encore. Il a perdu l'équilibre, il est tombé à terre et sa tête a heurté une pierre. Puis il a perdu connaissance", a raconté le témoin à la barre.

"Dès qu'il a commencé à reprendre conscience, il a à nouveau reçu de violents coups de pied à la tête", a poursuivi M. Yapici.

"Ali Ismaïl s'est alors relevé et a pris la fuite. Cette fois, les policiers avec des masques à gaz qui l'attendaient à l'autre bout de la rue lui ont donné des coups de pied et l'ont frappé à de nombreuses reprises avec leurs matraques. Et puis je l'ai perdu de vu", a poursuivi le témoin, "son visage est resté gravé dans ma mémoire".

M. Yapici a identifié les quatre policiers comme les auteurs des coups.

Victime d'une hémorragie cérébrale, Ali Ismaïl Korkmaz, un étudiant de 19 ans, est mort le 10 juillet des suites de ses blessures après 38 jours de coma.

Lors de la première audience le 3 février, les quatre policiers, jugés avec quatre commerçants d'Eskisehir, avaient farouchement démenti les accusations qui pèsent sur eux, certains niant même s'être trouvés sur les lieux du drame.

Comme à l'ouverture du procès il y a trois mois, plus d'un millier de personnes, pour la plupart des jeunes, se sont rassemblés dès lundi matin autour du tribunal, transformé en camp retranché par la police.

"La police de l'AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) est l'assassin d'Ali" ou "la jeunesse arrive, l'AKP va partir", ont-ils crié.

"La jeunesse exige que les meurtriers soient punis", a déclaré à l'AFP un des manifestants, Mustafa, 15 ans. "Mais je n'ai pas confiance en la justice", s'est-il empressé d'ajouter, "l'AKP va remettre les meurtriers en liberté".

Les parents de la victime ont reçu lundi le soutien du père d'une autre victime des émeutes de juin, Berkan Elvin. En mars, la mort de cet adolescent de 15 ans après 269 jours de coma a provoqué des manifestations monstre dans les rues de plusieurs villes du pays contre le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

"Mon fils a été assassiné par la police comme Ismaïl. Je veux participer à ce procès", a plaidé Samy Elvan. Mais le juge a refusé sa constitution de partie civile.

Une dizaine d'autres personnes doivent déposer lundi devant le tribunal.

"Leurs témoignages devraient déterminer le devenir de cette affaire", a indiqué à l'AFP, une avocate de la partie civile, Heval Yildiz Karasu.

"Les nouvelles preuves qui figurent dans le rapport d'un expert contredisent les témoignages des policiers", a estimé lundi le frère de la victime, l'avocat Gurkan Korkmaz, qui défend les intérêts de sa famille dans le dossier.

Les huit accusés risquent une peine maximale de prison à vie.

Partie de la mobilisation d'une poignée d'écologistes contre la destruction annoncée d'un parc proche de la place Taksim d'Istanbul, la vague de contestation qui a visé la "dérive autoritaire et islamiste" de M. Erdogan il y a près d'un an a fait au moins huit morts et plus de 8.000 blessés.

fo-pa/fw

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.