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Un film triomphe en France en se moquant des préjugés entre communautés

Un film triomphe en France en se moquant des préjugés entre communautés

Une comédie caracole en tête du box office en France en se moquant des préjugés entre communautés, un succès inattendu avant des élections européennes qui pourraient faire de l'extrême droite la première force politique du pays.

Sorti le 16 avril, "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu", de Philippe de Chauveron, a allègrement franchi cette semaine le cap des cinq millions de spectateurs, laissant derrière lui la superproduction hollywoodienne "The Amazing Spider-man".

Dopé à l'humour et aux répliques coup de poing, le film introduit le public dans la famille Verneuil dont les parents, catholiques de la grande bourgeoisie provinciale, ne voient pas vraiment d'un bon oeil leurs quatre filles épouser un juif, un musulman, un Chinois et un catholique... noir.

Les déjeuners familiaux se transforment en un catalogue de clichés et préjugés sur les différentes communautés, jusqu'au jour où la mère décide que tout le monde doit surmonter ses différences, pour se réconcilier à Noël autour de trois dindes: kasher, halal et laquée.

Le film, plébiscité dans les banlieues défavorisées comme dans les villes bourgeoises, s'attaque aux sujets sensibles de l'antisémitisme et du racisme, quelques mois après des attaques ayant visé la ministre noire de la Justice, Christiane Taubira, et après une vive polémique liée à un humoriste controversé, Dieudonné, accusé d'antisémitisme.

Par les thèmes de l'attachement aux traditions, de la France éternelle face à la diversité, il fait aussi involontairement écho aux sujets de campagne avant le scrutin européen du 25 mai.

Or selon les sondages, le parti d'extrême droite Front national (FN) pourrait être au coude à coude avec le parti de droite UMP, voire en tête. La présidente du FN, Marine Le Pen, en a fait son objectif après la performance de son parti aux municipales de mars, avec le gain de onze mairies.

Inquiet de ce contexte pré-électoral, le président François Hollande a publié jeudi une tribune dans le quotidien Le Monde pour dénoncer parmi les "peurs" agitées par les populistes ou les eurosceptiques celle des étrangers, désignés comme des "boucs émissaires", la "discorde religieuse" ou l'opposition des "identités nationales à l'engagement européen".

Pour Philippe de Chauveron, ce film est avant tout un moyen de "dynamiter" les préjugés d'où qu'ils viennent. Il ne veut pas "porter de message" politique mais "parler de tolérance", assure-t-il à l'AFP.

"On est le pays où il y a le plus de mariages mixtes au monde, un mariage sur quatre, alors qu'à côté, c'est un sur dix, donc cela ne va pas si mal en France", affirme le cinéaste. "Tout le monde a des préjugés sur tout le monde, or on n'a pas d'autre choix que de vivre ensemble et de s'entendre!", enchaîne-t-il.

Selon le sociologue Gérard Neyrand, l'engouement pour ce film "est une réaction positive, rassurante, au discours politique dramatisant".

Selon cet expert, "la forte absention aux récentes élections a donné l'impression que les thèses du Front national montaient en puissance mais ça ne semble pas exact. Et le fait que les gens courent voir ce film est un pied de nez au racisme", dit-il dans un entretien publié cette semaine par le quotidien Le Parisien.

Patrick Lozès, premier président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), estime aussi que ce film "vaut à lui tout seul des dizaines de spots et de campagnes antiracistes devenues inefficaces".

"Qu'est ce qu'on a fait au Bon Dieu", miroir d'une société voulant s'ouvrir aux différences? Interrogé samedi par le quotidien Le Figaro, le vice-président du FN, Louis Aliot, estime, lui, que la comédie "n'aura pas d'effet sur l'opinion". Le film, dit-il, "n'est pas un manifeste de l'antiracisme. Des couples mixtes, il y en a toujours eu et cela relève de la vie privée, pas d'un choix politique".

D'autres jugent la comédie bien éloignée de la réalité.

"On est plus dans le fantasme que dans le réel car on décrit un communautarisme des non-Blancs. Or, en France, le communautarisme est d'abord celui des Blancs, les non-Blancs vivant entre eux non par choix mais par un phénomène de ségrégation", relève Eric Fassin, sociologue à l'Université Paris 8.

bur-blb/tmo

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