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Les états d'âme de Dmitri, ex-officier devenu rebelle à Slaviansk

Les états d'âme de Dmitri, ex-officier devenu rebelle à Slaviansk

Membre d'un détachement de rebelles armés de l'est de l'Ukraine, Dmitri est un ancien militaire de carrière. Embusqué sur la ligne de front autour de Slaviansk, juste en face de parachutistes ukrainiens, il retrouve ainsi ses marques, revendiquant fièrement son "professionnalisme".

"Nous sommes en pleine guerre", lâche cet homme de 43 ans à la barbe fournie mais complètement chauve, en retrait, à l'abri de branchages, de la route poussiéreuse menant au village d'Andriïvka, à la lisière sud du bastion encerclé de l'insurrection pro-russe.

Une série de "roquettes" sont tombées une demi-heure plus tôt sur cette position très exposée : elle n'est en effet protégée que par un vieux train immobilisé sur une voie ferrée, un "rempart" de fortune troué comme du gruyère à la suite des tirs quasi-quotidiens dont l'avant-poste est la cible.

Connu sous le sobriquet de "chaman", Dmitri n'hésite pas à complètement relever une des manches de son pull kaki pour laisser apparaître un impressionnant tatouage s'étendant en haut du bras droit et représentant un chef sioux.

Kalachnikov en bandoulière, pantalon de treillis et baskets aux pieds, il affirme s'être "engagé" aux côtés de la milice d'"autodéfense" de Slaviansk après avoir pris connaissance des violences meurtrières du début du mois à Odessa, sur les bords de la mer Noire.

"J'ai alors décidé de quitter Donetsk (la principale agglomération de la zone orientale du Donbass, ndlr) pour venir ici" et "j'ai d'abord été de faction à une barricade" érigée à l'intérieur de la cité.

"Quand on fait appel à des volontaires, ce sont les plus courageux qui se présentent pour défendre la ville. On nous distribue des armes, on constitue des unités", poursuit Dmitri, avant de jurer ses grands dieux qu'il n'est "pas payé", sous-entendu qu'il n'est pas un mercenaire.

"On est soumis à une discipline de fer, l'ordre règne dans nos rangs. On dort dans des casernes. Nous sommes tous d'anciens soldats (dans ce groupe commandé par un certain Sergueï), nous sommes tous des professionnels".

Une sorte de retour aux sources donc pour "le chaman", qui raconte avoir servi dans l'aviation dans les dernières années de l'URSS (démantelée fin 1991), aussi bien dans l'ex-république soviétique d'Asie centrale du Kazakhstan, qu'en Russie, notamment en Extrême-Orient.

Pour prouver ses dires, il sort d'un geste rapide d'une de ses poches une carte d'officier de réserve.

"J'ai tenu jusqu'en 1994, puis j'ai compris qu'il n'y avait plus aucune perspective (dans l'armée). C'est blessant, ça fait mal, qu'on ait mis au rebut des spécialistes comme nous, qui ne servions plus à rien", lance Dmitri, un ruban orange et noir de Saint-Georges, signe de ralliement des militants pro-russes, à l'épaule.

A l'heure actuelle, dans la périphérie de Slaviansk, "chaque jour on enterre un des nôtres. C'est du fascisme. Même sous Staline ce n'était pas comme ça", s'emporte brusquement "le chaman".

"Combien faut-il de morts pour que tout cela s'arrête ?", interroge-t-il, pour conclure sur un pathétique : "mon seul espoir est que l'Europe se réveille".

Soudain son téléphone sonne. "C'est un ami". "Ma femme, je lui envoie un sms toutes les trois heures pour lui faire savoir que je suis sain et sauf..."

bds/ahe/ml

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