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En Chine, radicalisation des ultras du Xinjiang et engrenage sécuritaire

En Chine, radicalisation des ultras du Xinjiang et engrenage sécuritaire

De spectaculaires et sanglantes attaques à l'arme blanche dans les lieux publics en Chine signalent une escalade des violences, imputées principalement à des Ouïghours musulmans du Xinjiang, face au durcissement sécuritaire dans cette région, estiment les analystes.

Pendant longtemps, les épisodes de violences au Xinjiang --aux confins occidentaux du pays et peuplé par les Ouïghours, des turcophones musulmans-- visaient les autorités locales ou se traduisaient par des émeutes inter-ethniques. Mais depuis l'an dernier, plusieurs attaques dans la région et, désormais, dans le reste de la Chine, suggèrent un net changement d'échelle.

En octobre dernier, un attentat suicide a été commis place Tiananmen à Pékin, symbole du pouvoir: trois Ouïghours venue du Xinjiang avaient précipité leur véhicule contre la Cité interdite, selon la version officielle.

Début mars, une tuerie commise à l'arme blanche par un commando d'assaillants dans la gare de Kunming, au Yunnan (sud-ouest) s'est soldée par 29 morts et 143 blessés. Le carnage a été imputé à des mouvements séparatistes islamistes du Xinjiang.

La semaine dernière, un attentat au couteau et à l'explosif devant une gare d'Urumqi, capitale du Xinjiang, s'est soldé par la mort de deux assaillants présumés --ceinturés d'explosifs qu'ils ont fait exploser-- et d'un civil, faisant en outre 79 blessés.

Et si rien n'a encoré été dévoilé sur l'identité de l'unique assaillant qui a poignardé six voyageurs mardi devant la gare de Canton (sud), cette nouvelle attaque à l'arme blanche contre des civils choisis au hasard n'a fait qu'alimenter les inquiétudes.

Pour Raffaello Pantucci, expert du Royal United Services Institute à Londres, ces attaques représentent "un inquiétant développement" et un apparent changement de tactique chez des militants qui se considèrent comme "appartenant à un peuple opprimé".

"De toute évidence, des gens qui pensent que leur message ne passe pas, qu'ils ne sont pas entendus (...) sont amenés à faire davantage de bruit", a-t-il indiqué à l'AFP.

Les Ouïghours, principale ethnie du Xinjiang, se disent harcelés par les autorités chinoises, oubliés par l'essor économique et victimes d'une politique répressive à l'encontre de leur religion et de leur culture.

Les tensions se sont exacerbées ces dernières années, notamment depuis une vague de violences interethniques en 2009 qui a fait quelque 200 morts à Urumqi.

Pour sa première visite officielle au Xinjiang, la semaine dernière, le président chinois Xi Jinping a appelé à durcir la lutte contre le "terrorisme".

Les autorités accusent volontiers le Parti islamiste du Turkestan (TIP) et le Mouvement islamique du Turkestan oriental (Etim) --des groupuscule radicaux et séparatistes-- d'inspirer et même orchestrer ces violences depuis les pays frontaliers de l'Asie centrale.

"La Chine fait à présent face à une menace terroriste très significative émanant de l'idéologie (de ces groupes) mais aussi des structures d'entraînement établies par le TIP au Waziristan du Nord", dans les zones du Pakistan, a estimé Rohan Gunaratna, professeur à la Nanyang Technological University de Singapour.

"Le TIP est en train de recruter et de radicaliser un certain nombre de Ouïghours pour mener des actions terroristes", a-t-il assuré à l'AFP, jugeant les récentes attaques comme des "étapes importantes".

De nombreux autres experts, cependant, s'interrogent sur la véritable influence du TIP, mouvement obscur et marginal qui a diffusé des vidéos se félicitant des attaques en Chine, mais sans en revendiquer la responsabilité. Aucune revendication d'aucune sorte n'a d'ailleurs jamais émergé.

"Si jamais il y a avait une organisation derrière ces attaques, ce serait plutôt une organisation locale en Chine même, car un mouvement international aurait tout intérêt à les revendiquer ostensiblement", a souligné Sean Roberts, professeur à l'université américaine George Washington.

"Beaucoup d'actes terroristes se passent d'organisation", a-t-il poursuivi, évoquant l'attentat du marathon de Boston, qui était le fait de "seulement deux personnes".

Une prudence partagée par Scott Harold, expert de la Chine au centre de recherche américain Rand Corporation: "L'Etim est extrêmement marginal à tous égards du point de vue d'Al-Qaïda ou des mouvements islamistes sunnites dans le monde".

De l'avis général, Pékin devrait durcir encore davantage son appareil sécuritaire et muscler sa police face à la multiplication des attaques.

"Au contraire, cela ne fera qu'exacerber les tensions", a observé M. Pantucci, selon qui le déploiement sécuritaire alimentera frustrations et violences, qui à leur tour, conduiront à un nouveau durcissement.

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