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Le Holiday Inn, symbole de l'âge d'or du Liban, veut renaître de ses cendres

Le Holiday Inn, symbole de l'âge d'or du Liban, veut renaître de ses cendres

Hôtel mythique de l'âge d'or du Liban puis théâtre de l'une des batailles les plus féroces de la guerre civile, le Holiday Inn pourrait ressusciter après la prochaine mise aux enchères du bâtiment criblé de balles.

Souvenir indélébile du conflit qui a ravagé le pays de 1975 à 1990, la tour de 24 étages dominant le front de mer de Beyrouth est reconnaissable à ses murs blancs perforés par les roquettes.

Ce fantôme a été le théâtre de "la guerre des hôtels", l'une des batailles acharnées du début du conflit qui a opposé milices chrétiennes aux milices palestiniennes et leurs alliés libanais musulmans et de gauche.

L'une des images vidéo les plus emblématiques du début de la guerre est celle d'une épaisse fumée noire se dégageant des étages supérieures de l'hôtel, inauguré juste deux ans avant l'embrasement du pays.

"C'est un immeuble unique. Ce qui est triste c'est que 24 ans (après la fin de la guerre), on en est encore à regarder une carcasse", déplore Roland Abdéni, PDG du groupe CIL (Compagnie immobilière libanaise) qui détient 34% des actions.

L'immeuble a longtemps été abandonné en raison du désaccord entre principaux actionnaires sur son avenir, alors que son voisin, le Phoenicia, lui-même dévasté, a été réhabilité et a retrouvé son lustre d'antan.

Mais la durée d'existence de la société propriétaire du Holiday Inn qui est de 50 ans arrive à échéance et le débat a été lancé sur l'avenir de l'hôtel.

Si le groupe CIL veut le rénover et le transformer en lofts à louer, un groupe koweïtien, détenteur de plus de 50% des actions, veut le démolir pour ériger à sa place une tour comme celles qui ont poussé comme des champignons dans le Beyrouth de l'après-guerre.

Or l'édifice dévasté fait partie depuis près de quatre décennies du paysage beyrouthin et appartient au patrimoine moderne de la capitale.

La cour et l'entrée de l'hôtel sont devenus depuis la fin de la guerre une caserne avec des chars et des soldats, et l'accès n'est possible que sur autorisation de l'armée.

L'intérieur quant à lui a été complètement "nettoyé" par les miliciens: meubles, dalles, lustres, robinetterie, tentures, volets, portes, bois et même l'aluminium...Tout a disparu.

Seules subsistent sur les murs, des inscriptions témoins des combats, comme "l'Armée de libération de la Palestine" le nom de guerre d'un milicien, ou encore la marque d'une croix.

Le vent siffle à travers les étages et les escaliers, plongés dans un silence désolant.

Si ceux qui ont fréquenté l'hôtel se souviennent du luxe de l'établissement et de son beau cinéma, les combattants d'alors se rappellent cette "tour de la mort" qui était une sorte de ligne de démarcation entre "Beyrouth-est" à majorité chrétienne et "Beyrouth-ouest" à majorité musulmane.

"Ils nous ont pourchassés d'étage en étage, de chambre en chambre, de pilier en pilier", se souvient, avec émotion, un ex-combattant des Kataëb, le principal parti armé chrétien de l'époque.

"J'étais le dernier à quitter avec deux compagnons" avant la prise de l'hôtel par les Palestiniens et leurs alliés, dit Milad à l'AFP. "Nous avons attendu l'aube, nous avons porté des Keffieh pris à des Palestiniens morts pour leurrer les autres".

Son compagnon d'armes, Sassine, se souvient des "tables et des chaises de l'hôtel transformées en barricades" et des incendies qui ont emporté les boiseries des chambres.

Sur les photos d'archives en noir et blanc, on voit de combattants posant dans le grand hall sous les lustres ou encore un milicien cagoulé assis sur un piano dans le célèbre restaurant tournant de l'hôtel, le kalachnikov posé sur l'instrument.

Situé dans un secteur où le mètre carré est le plus cher de la capitale, l'hôtel sera-t-il condamné ou conservé?

"Pour des raisons historiques et esthétiques", M. Abdéni s'oppose à la destruction de l'immeuble, qui vaut des centaines de millions de dollars même en l'état.

Si son groupe remporte les enchères, il voudrait réhabiliter et le transformer en logements. "Il y a plein de clients qui souhaitent avoir des pied-à-terre à Beyrouth dans un endroit si extraordinaire".

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