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Dans le nord syrien, une campagne pour chasser les jihadistes

Dans le nord syrien, une campagne pour chasser les jihadistes

Sous le slogan "Raqa est massacrée en silence", des militants dans cette ville syrienne mènent campagne contre le groupe de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), accusé de détenir des centaines de personnes simplement pour avoir fumé une cigarette ou ouvert une page Facebook.

Le récent témoignage de quatre journalistes français sur leurs terribles dix mois de captivité aux mains de ce groupe jihadiste a jeté la lumière sur l'effroyable agonie des otages syriens notamment à Raqa, place forte de l'EIIL dans le nord du pays en guerre.

"Chaque jour, les mères se réunissent devant les bases de l'EIIL à Raqa pour pleurer et supplier de connaître la date de libération de leur fils", confie à l'AFP Amer Matar, 28 ans, dont le frère, le journaliste-citoyen Mohammad Nour, 21 ans, est détenu depuis neuf mois.

"Ma mère souffre en permanence car elle est sans nouvelle de son benjamin", raconte Matar, un cinéaste de la ville qui a dû se réfugier en Allemagne en raison de son opposition au président Bachar al-Assad.

Autrefois alliés contre le régime, l'EIIL et les rebelles se livrent depuis des mois à une guerre sans merci dans le Nord où le groupe ultra-radical est accusé des pires atrocités et de volonté hégémonique.

Ses combattants ont d'ailleurs été chassés de plusieurs zones.

Raqa, à 550 km au nord-est de Damas, est la seule capitale provinciale syrienne qui échappe au régime mais est contrôlée d'une main de fer par l'EIIL.

Née en Irak dans le sillage de l'invasion américaine de 2003, ce groupe s'est montré si cruel avec la population qu'elle s'est soulevée contre lui.

Ses combattants ont multiplié les rapts de rebelles, de militants et civils accusés de "crimes" de toutes sortes comme par exemple de fumer. Une femme a reçu 40 coups de fouet car elle ne couvrait pas son visage, selon des militants.

Des photos d'exécutions, dont une montrant des hommes agenouillés et yeux bandés dans un parc public et celle d'un homme abattu devant des enfants, ont été diffusées par des militants dénonçant les exactions de l'EIIL.

Selon Sema Nassar, une militante connue des droits de l'Homme, "l'EIIL détient plus de 1.000 personnes dans la province de Raqa, mais il est impossible d'en connaître le nombre réel".

La torture y est pratiquée de manière systématique, les exécutions sont fréquentes et les arrestations quotidiennes. Beaucoup de ceux arrêtés disparaissent sans laisser de traces, assure-t-elle.

De ce fait, la majorité des militants ont fui la province, surtout vers la Turquie voisine. "Pour l'EIIL, les militants sont un défi à leur pouvoir et doivent pour cela être éliminés", assure Sema.

Prenant leur courage à deux mains, un groupe de militants a lancé la semaine dernière une campagne sur internet exigeant un départ de l'EIIL.

La campagne a reçu un énorme soutien sur les réseaux sociaux et, dans les zones rebelles, des manifestants ont adopté le slogan "Purger Raqa de la bande d'Abou Bakr al-Baghdadi", en référence au chef de l'EIIL.

"L'EIIL est l'ennemi de Dieu", "Raqa est libre! EIIL dehors!", proclament-ils.

"Raqa est littéralement en train d'être massacrée en silence. Il est très dangereux de s'opposer à l'EIIL, mais nous avons besoin de briser le mur du silence", affirme Abou Ibrahim, un des organisateurs de la campagne.

"Nous devons faire des sacrifices, sinon ils nous dirigeront pour toujours, et cela est inacceptable", dit-il à l'AFP via internet de Raqa.

La campagne a provoqué l'ire de l'EIIL qui a aussitôt arrêté 70 personnes dans la ville une semaine, selon Sema Nassar. "Ils ont arrêté même ceux qui ont ouvert une page Facebook pour s'amuser, des gens pas du tout politisés".

L'opposition en exil accuse l'EIIL de faire le jeu du régime, voire même d'agir sous ses ordres.

Selon une source de sécurité, l'armée ne veut pas attaquer l'EIIL car le régime "veut faire de Raqa un exemple". "Nous voulons que les gens voient ce qui se passe lorsque les rebelles prennent le contrôle".

Entre leur haine du régime et de l'EIIL, les proches des kidnappés se disent "paralysés". "Nous n'avons personne à qui nous adresser. Nous les Syriens sommes les citoyens de nulle part", assure Amer.

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