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Centrafrique: Bouca, "ville-martyre" des anciens rebelles Séléka

Centrafrique: Bouca, "ville-martyre" des anciens rebelles Séléka

Des villages entiers sont brûlés à dix kilomètres de Bouca, ville du centre de la Centrafrique, que ses habitants disent "martyre" de la Séléka : fréquemment, l'ex-rébellion y revient, pille et tue une population à bout de souffle.

La dernière incursion, cette semaine, a dévasté la ville. Quatre véhicules de la Séléka (groupe armé à dominante musulmane au pouvoir en Centrafrique de mars 2013 à janvier 2014) transportant une centaine d'hommes ont terrorisé Bouca de mardi à jeudi.

Cinq personnes, dont Léon, un "cordonnier un peu fou", un professeur et "une femme enceinte", n'auront pas survécu à leur passage, selon le bilan de la Croix-Rouge locale. Vols et pillages ont été recensés.

Avant d'arriver à Bouca, l'AFP croise vendredi une dizaine de personnes en fuite. Les premiers pas dans la ville sont suffocants. Tout a été détruit.

Des rangées de maisons calcinées, sans toits, dont des pans de murs sont tombés, s'offrent à perte de vue. Quelques hommes marchent vite entre les décombres. Les habitants se cachent.

"Quand ils sont arrivés mardi, ils ont commencé par tirer. Ils ont tout pillé et tout mis dans leurs véhicules. Puis ils sont partis", raconte Edgar Touanganda, un commerçant de 25 ans, dont la femme et les deux enfants sont réfugiés "au champ".

Les hommes de la Misca postés dans la ville n'ont "rien fait", s'énerve-t-il. "Quand les Séléka sont arrivés, ils sont repartis dans leurs bases".

"Nous avons agi dans la limite de notre mandat, qui nous demande de nous interposer mais pas de tirer les premiers", répond un soldat de la Misca, disant ne pas avoir connaissance de morts ni de pillages.

La Misca protège la population, poursuit le militaire.

Quelques centaines de mètres plus loin, ses frères d'armes sont stationnés à l'entrée d'une paroisse, dans laquelle quelque 4.000 personnes vivent depuis le "9 septembre 2013", le jour où le pire des exactions a commencé, selon Nathanaël Wagandi, le président de la Croix-Rouge locale.

Au total, 164 personnes, dont 124 chrétiens et 40 musulmans, ont péri de mort violente à Bouca entre le 21 mars et le 30 octobre 2013, déplore-t-il. Bien plus ont été massacrées dans les champs environnants.

Au total, 1.825 maisons ont été détruites, lit-il dans un petit cahier.

Douze personnes sont également mortes de leur séjour forcé dans la paroisse, où les conditions d'hygiène sont déplorables.

La minorité musulmane, harcelée par les milices pro-chrétiens anti-balaka qui ont incendié la mosquée, a fui la ville il y a plusieurs semaines déjà.

"Bouca était une ville riche", un centre régional, mais elle est devenue "une ville-martyre", constate Frédéric Rédibalé, un responsable du centre de santé local.

Dans la nuit de vendredi à samedi, un petit bébé est né, sourit Alice-Rose Befio, la responsable de la maternité municipale. Mais la veille, une femme enceinte, arrivée à terme, a perdu son nourrisson, après 43 km à pied pour rejoindre l'hôpital le plus proche, se désole-t-elle.

Les habitants, à qui l'aide humanitaire parvient au compte goutte, se nourrissent depuis des mois de ce qu'ils trouvent dans les champs. Plus grave, ils consomment aussi les graines destinées à leurs semences futures, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas de prochaine récolte. L'avenir paraît très sombre.

Le colonel Abelkader Safi Oumar, qui dirigeait les hommes de la Séléka cette semaine à Bouca, a de son côté rejeté des "mensonges". "Nous n'avons rien fait, il n'y a eu aucun pillage", a-t-il expliqué rapidement, par téléphone. Un long accrochage a toutefois opposé ses hommes à une "résistance" locale, reconnaît-il.

Les anti-balaka, armes artisanales au poing et gris-gris à la ceinture, disent quant à eux protéger les leurs, dans une ville jusque là sous leur contrôle, même face aux armes lourdes de la Séléka.

"Nous sommes des chasseurs. Nous savons nous battre sur notre territoire. Eux sont des tireurs. Ils tirent n'importe où", affirme leur leader, le capitaine Charles, demandant à la Misca, qui "ne veut pas travailler" mais "empêche ses hommes de tirer", de "partir".

A l'instar du clergé de Bouca. Craignant d'être pris pour cible par la Séléka, après la mort d'un prêtre cette semaine et la séquestration d'un évêque, deux pères et deux soeurs ont simplement quitté la zone mardi. Laissant leurs ouailles à leur triste sort.

jf/cl/de

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