Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Turquie: Le bras de fer entre le pouvoir et la Cour suprême se durçit

Turquie: Le bras de fer entre le pouvoir et la Cour suprême se durçit

Le conflit engagé en Turquie entre le pouvoir islamo-conservateur et la Cour constitutionnelle, plus haute instance judiciaire du pays, s'est nettement durci vendredi avec des attaques verbales de part et d'autre.

Le président de la cour suprême, Hasim Kiliç, a contre-attaqué et rejeté avec véhémence les critiques qui lui ont été adressées par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et son régime, qui avaient dénoncé plusieurs jugements de la cour, en affirmant que "les tribunaux ne reçoivent pas d'ordres".

"Dans un Etat de droit, les tribunaux ne reçoivent ni des ordres ni des instructions. De plus ils ne peuvent être guidés par des sentiments d'amitié ni d'hostilité", a déclaré Hasim Kiliç lors d'une allocution à l'occasion du 52è anniversaire de la création de son institution.

Le discours de M. Kiliç était fort et adressé notamment à M. Erdogan, présent parmi les invités et dont le visage a affiché la désapprobation.

A la fin du discours, le chef du gouvernement a quitté la salle boudant une réception qui y était offerte pour les invités de marque, ont rapporté les médias.

La réponse du gouvernement à la sortie de M. Kiliç n'a pas tardé.

"M. Kliç s'est exprimé comme s'il était un homme politique (...) comme s'il était le chef d'un parti politique. Son discours se devait d'être juridique et non politique", a martelé le ministre de la Justice, Bekir Bozdag, qualifiant devant les journalistes ses déclarations d'"inacceptables".

Le ministre qui n'a pas caché sa colère envers M. Kiliç, l'a accusé de "s'engager dans des polémiques politiques sur de nombreux points" de l'action du gouvernement.

La cour suprême a infligé ces dernières semaines plusieurs revers au régime islamo-conservateur annulant en partie une réforme judiciaire destinée à renforcer son emprise sur l'appareil judiciaire, et débloquant l'accès au réseau Twitter, interdit par le pouvoir après la diffusion d'écoutes téléphoniques compromettantes.

En ordonnant début avril la levée du blocage de Twitter, les Sages avaient fortement déplu au Premier ministre, qui ne s'était pas privé de les critiquer: "Nous devons appliquer le jugement mais je ne le respecte pas", accusant aussi les juges d'agir contre les intérêts nationaux.

"Dire que la cour constitutionnelle agit avec un ordre du jour politique et l'accuser de manquer de patriotisme n'est qu'autre qu'une critique sans profondeur", a répondu M. Kiliç.

Le chef des Sages a aussi souligné la nécessité de préserver l'indépendance de la justice en Turquie, accusant M. Erdogan, qui dirige le pays depuis 2002, d'avoir émis des "critiques excessives" sur les jugements de la Cour.

Il a aussi fortement critiqué les purges effectuées par le pouvoir dans la magistrature depuis la révélation à la mi-décembre d'un vaste scandale de corruption touchant M. Erdogan et son entourage.

"Cette affaire nous montre clairement que ces divisions scelleront la fin de la sécurité de la justice dans l'Etat de droit (...) La justice ne peut pas vivre dans cette situation", a-t-il dit.

Ses propos devraient, de l'avis des observateurs, exacerber les tensions persistantes entre le judiciaire et M. Erdogan qui convoite le poste de président au premier scrutin au suffrage universel cet été, fort de sa victoire aux élections municipales du 30 mars dernier.

L'homme fort de Turquie accuse le mouvement religieux dirigée depuis les Etats-Unis par le prédicateur Fethullah Gülen, jadis son allié, d'avoir fabriqué des preuves de corruption pour le renverser dans le cadre d'un "coup d'Etat".

BA/mr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.