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Commission Charbonneau: Il faut en finir avec l'angélisme, dit l'ancien sous-ministre au MTQ Florent Gagné

Commission Charbonneau: Il faut en finir avec l'angélisme, dit un ancien sous-ministre au MTQ
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L'ancien sous-ministre Florent Gagné estime que les critiques adressées au MTQ quant à son manque de vigueur dans la lutte à la collusion au fil des ans sont injustes.

Un texte de Bernard Leduc

« Je pense que c'est de l'angélisme de pense que le MTQ pouvait se démerder seul avec ce problème-là », a plaidé celui qui fut sous-ministre au MTQ de 2003 à 2006. M. Gagné affirme que le ministère n'avait ni le mandat, ni les moyens, ni les compétences pour s'attaquer à la collusion.

« C'est de l'angélisme de dire : ''comment ça se fait que vous l'ayez pas vu?'' » — Florent Gagné

L'ex-sous-ministre au MTQ de 2003 à 2006 a convenu que ni lui ni son entourage au MTQ n'étaient naïfs et que, ayant vent de rumeurs et de soupçons, ils étaient sur leurs gardes. Mais le MTQ, a-t-il, souligné, en guise d'exemple, ne peut du jour au lendemain mettre des firmes ou des entrepreneurs sur une liste noire

« Le MTQ est condamné à vivre dans un monde de soupçon sans jamais qu'il y ait nécessairement de preuves », a martelé M. Gagné.

Dans les faits, dit-il, seule la police pouvait vraiment agir, soulignant à cet effet qu'il aura fallu les enquêtes conjuguées de l'UPAC, de l'agence du revenu, de l'AMF et le travail de la commission Charbonneau pour faire la pleine lumière sur des cas de collusion.

Le MTQ victime de l'engouement du politique pour le privé

Florent Gagné a expliqué que c'est lors de son passage au ministère des Transports du Québec (MTQ) que le gouvernement a entrepris un énorme effort de réinvestissement dans le réseau routier qui s'est poursuivi jusqu'à ce jour.

Il fallait, a-t-il expliqué, non seulement maintenir en état le réseau existant, mais aussi l'améliorer, ce qui nécessitait des centaines de millions de dollars supplémentaires.

Mais dans les années 2000, le MTQ n'est plus le ministère qu'il avait été jusqu'au début des années 1990, alors qu'il pouvait faire faire à l'interne l'essentiel de ses travaux, fort qu'il était de 12 000 employés - voire 16 000 l'été - et d'un département du génie que M. Gagné décrit comme étant alors « la plus grosse firme de génie du Québec ».

Ses 1500 ingénieurs, dit-il, faisaient alors tous les plans et devis et surveillaient tous les travaux.

Aussi, lorsque le MTQ se lance dans cet important plan de réinvestissement, c'est vers le secteur privé qu'il se tourne pour l'essentiel, un mouvement qui correspond d'ailleurs à la philosophie ambiante - tant au PQ qu'au PLQ - qui valorise les firmes de génie privées comme source d'expertise et espoir d'économies dans un contexte de compressions budgétaires.

Cette expertise tant vantée s'était d'ailleurs constituée en partie en débauchant les bons éléments au ministère, accentuant d'autant l'impact causé par les coupes d'austérité dans le personnel.

M. Gagné dit avoir d'ailleurs constaté lors de son mandat aux Transports une présence croissante des firmes de génie dans les dossiers du MTQ à mesure que le MTQ perdait son expertise.

Il se félicite d'ailleurs que depuis quelque temps le gouvernement tente de renverser ce mouvement.

« Je pense que le secteur privé n'a pas été à la hauteur des attentes. » — Florent Gagné

Selon l'ex-sous-ministre de carrière, le pouvoir d'influence d'un ministre demeure très relatif, l'essentiel des travaux de conservation et d'amélioration du réseau ayant été programmé pour l'essentiel par les fonctionnaires.

L'influence du politique se faisait davantage sentir lorsqu'il s'agit de développer le réseau, comme la décision de parachever l'autoroute 30 sur la Rive-Sud de Montréal.

Il se peut aussi que le ministre demande que certains grands projets soient accélérés ou encore considérés comme prioritaires, comme promis par le gouvernement, mais encore faut-il que ce soit faisable.

M. Gagné, qui a œuvré sous les ministres Yvon Marcoux et Michel Després aux Transports, a par ailleurs souligné que si le sous-ministre et son ministre ont les mêmes pouvoirs, il existe en pratique un partage des tâches.

M. Gagné a par ailleurs noté que sous Yvon Marcoux, c'est Julie Boulet qui s'occupait des travaux de voirie en région rurale à titre de ministre déléguée, le ministre se réservant les grands dossiers comme les autoroutes, le transport en commun,... Mme Boulet remplacera par ailleurs le ministre Marcoux à l'automne 2003, en congé de maladie.

Des critiques de... Renaud Lachance

Dans les années 1990, M. Gagné a été sous-ministre aux Affaires municipales puis à la Sécurité publique avant d'accéder à la tête de la Sûreté du Québec en 1998 où il demeurera jusqu'en juin 2003. Il sera par la suite sous-ministre aux Transports jusqu'en janvier 2006.

Il obtiendra par la suite plusieurs mandats auprès du gouvernement et sera notamment appelé à assurer la tutelle de la Ville de Laval en 2013, à la demande du gouvernement de Pauline Marois.

Florent Gagné avait été durement critiqué le 18 novembre 2009 par Renaud Lachance, qui occupait alors les fonctions de vérificateur général à Québec, pour ne pas avoir transmis à la police un rapport interne exposant un cas apparent de collusion, alors qu'il occupait le poste de sous-ministre aux Transports.

Les services d'enquête du MTQ avaient entrepris une investigation concernant le processus d'appel d'offres entourant l'octroi d'un contrat de déneigement, pour la région de Laurentides-Lanaudière, finalement annulé parce que les soumissions étaient toutes trop élevées.

M. Gagné avait confirmé, dans une lettre envoyée au vérificateur général le 22 novembre 2009, avoir décidé seul de ne pas transmettre le rapport aux autorités.

« J'assume personnellement, à l'exclusion de toute intervention politique, la décision que j'ai prise de ne pas transmettre ce dossier à la police ou au Bureau de la concurrence », avait-il alors écrit.

M. Florent était par ailleurs à la tête de la SQ lorsque l'opération Bitume pour lutte contre la collusion dans le domaine des contrats publics à Laval a été lancée en 2002, puis arrêtée abruptement après un an.

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