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La démocratie sud-africaine toujours pas au service de tous

La démocratie sud-africaine toujours pas au service de tous

Dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, seule comptait la minorité blanche. Depuis 1994, le racisme appartient officiellement au passé : écoles et hôpitaux accueillent tout le monde mais des pans entiers de l'administration sont défaillants et beaucoup de Sud-Africains négligés.

En janvier, dans le grand hôpital Baragwanath de Soweto, une patiente a été opérée à la lueur d'un téléphone portable après l'extinction d'un générateur.

Il y a deux semaines, trois malades ont été contraints de partager le même lit aux urgences. "Celui du milieu est mort et brusquement, les deux autres étaient en sandwich autour d'un cadavre", raconte un médecin sous couvert d'anonymat.

Dans nombre de secteurs gérés par l'Etat, le pays vit ainsi au quotidien la chronique des errements de l'administration et des affaires de corruption.

En campagne, le président Jacob Zuma a certes admis dans son récent discours sur l'état de la nation que l'Afrique du Sud connaissait encore "des difficultés".

Mais il voulait surtout qu'on retienne que "l'Afrique du Sud est un bien meilleur endroit pour vivre qu'avant 1994". "Nous avons enterré l'Etat corrompu, oppresseur, non démocratique et non représentatif qui servait une minorité", a-t-il ajouté.

Son gouvernement est cependant "sévèrement critiqué pour son manque d'efficacité et son incapacité à rendre des comptes" à la population, comme le souligne le politologue Adam Habib dans son livre "La révolution suspendue" (2013).

L'école publique est démunie et les enseignants si souvent absents que le gouvernement a récemment envisagé de les faire pointer.

"Manque de manuels, d'hygiène, de mobilier, de professeurs. Problèmes de corruption présumée non résolus, de budget trop dépensé ou sous-dépensé: les symptômes de la défaillance du système éducatif public sont nombreux", souligne Nikki Stein de Section 27, une association d'avocats militants pour les droits.

"Le ministère n'est pas réactif. L'an dernier, on a eu le cas d'une école où le programme de nutrition scolaire n'était pas assuré. L'école l'a signalé plusieurs fois, nous aussi. Juste avant qu'on saisisse les tribunaux, ils ont trouvé un fournisseur et la cantine a repris", dit-elle.

La police n'a pas meilleure réputation et les quartiers chics sont protégés par des vigiles privés, plus nombreux et mieux armés que les policiers.

Les problèmes de l'Etat sud-africain n'épargnent pas non plus l'armée, dont un récent rapport parlementaire a dénoncé la "situation critique de déclin" et la "perte alarmante" de personnel qualifié.

Seule l'administration fiscale rattachée au Trésor fait exception, forte d'une réputation d'excellence.

L'explication récurrente mais simpliste rejette la faute sur l'incompétence des fonctionnaires noirs recrutés depuis 1994 et privés de formation sous l'apartheid.

Pour être équitable, il importe aussi de souligner le fardeau démographique croissant supporté par l'Etat ANC. Le pays a dépassé 53 millions d'habitants en 2013, un tiers de plus en 20 ans.

L'Etat doit donc bâtir de nouvelles universités, collèges techniques, fournir plus d'électricité, plus d'eau courante, de logements, de postes de police, etc.

Les services municipaux, responsables des services de base, eau courante, électricité et enlèvement des ordures, ne fonctionnent pas mieux.

Plus de la moitié des municipalités n'ont pas présenté un audit correct en 2011-2012, selon la Cour des Comptes, et les manifestations de riverains exaspérés sont quotidiennes, souvent violentes.

Trois fois sur quatre, la lenteur des dirigeants politiques est en cause, selon la Cour, mais aussi le fait que leurs négligences ou leurs infractions sont sans conséquence pour eux, tandis que des postes-clés sont laissés vacants ou occupés par des fonctionnaires sans les compétences appropriées.

Fin 2012, l'ANC a semblé vouloir réagir.

En même temps que le parti reconduisait M. Zuma à sa tête, un Plan de développement national (NDP) a été adopté, prévoyant de professionnaliser davantage l'administration et de plus recruter au mérite et non sur la base de la couleur de peau. La lutte contre la corruption et le népotisme est aussi une priorité.

Depuis février, une loi punit de 10 ans d'inéligibilité la fraude, la corruption ou la mauvaise gestion financière.

L'ANC ne semble cependant pas prêt à céder une miette de pouvoir. Pourtant, le seul moyen pour que l'administration s'améliore serait que le parti ait des concurrents sérieux capables de bousculer son hégémonie dans les urnes, soulignent des observateurs.

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