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France: le plan antijihad du gouvernement laisse sceptiques les experts

France: le plan antijihad du gouvernement laisse sceptiques les experts

Les mesures détaillées mercredi par le gouvernement français pour tenter d'empêcher les candidats au jihad de partir en Syrie laissent sceptiques la plupart des experts interrogés par l'AFP, qui doutent de leur capacité à freiner le phénomène.

Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, après en avoir dévoilé les grandes lignes la veille, a présenté mercredi en conseil des ministres un "plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes" composé d'une quinzaine de mesures qui devraient être mises en place rapidement, dont un numéro vert et une plateforme de signalement à destination des familles qui "constatent des risques de rupture" chez l'un de leurs membres.

Mais la plupart de ces dispositifs, comme le renforcement de cyberpatrouilles pour détecter les potentiels jihadistes sur la toile ou encore l'utilisation du système d'information Schengen, qui réunit 26 Etats européens, "ne sont pas du tout nouvelles", rappelle Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).

Selon lui, "on est dans la sécurité spectacle, dans l'effet d'annonce". "Mis à part le numéro vert, il n'y a rien de fondamentalement nouveau dans ce plan", estime-t-il, car "cela fait déjà longtemps que les services de police et de renseignement se sont penchés sur le problème des jihadistes en Syrie".

Pour Eric Denécé, "le pouvoir politique est dans une démarche de réassurance de l'opinion, c'est un peu comme les militaires dans les gares, cela rassure, mais en termes d'efficacité à lutter contre le terrorisme, l'effet est nul".

Dans le même esprit, l'islamologue et universitaire Mathieu Guidère pense que "ce plan n'empêchera pas les départs". "Il va être très difficile à mettre en oeuvre, et la plateforme de signalement s'apparente très fortement à de la délation", prévient-il.

La possibilité pour les familles de signaler un de leurs enfants ou de leurs proches pose notamment la question de la définition des signaux de la radicalisation.

"Dans la plupart des cas, les familles n'ont rien vu. Il ne suffit pas qu'un mineur ou qu'un jeune adulte se laisse pousser la barbe ou arrête de boire de l'alcool. Aujourd'hui, plus aucun terroriste un peu malin ne porte la barbe", explique une source proche du renseignement.

Ces critiques sont "dures et pas forcément justifiées", juge-t-on au ministère de l'Intérieur. "Il faut répondre à l'inquiétude et à la détresse des familles qui se trouvent la plupart du temps démunies dans ce genre de situation", insiste-t-on. Bernard Cazeneuve a d'ailleurs reçu mercredi après-midi une délégation de familles dont des membres sont partis combattre en Syrie.

La France fait en tout cas face à une hausse "accélérée et préoccupante" de départs vers la Syrie, selon le compte rendu du conseil des ministres, avec "plus de 740 personnes détectées comme appartenant à ces filières", dont près de 300 sont actuellement en Syrie, "130 en transit et 130 sont de retour après un ou plusieurs séjours". Vingt-cinq personnes ont trouvé la mort sur place, précise le gouvernement. Une centaine de femmes est également concernée par ces filières.

La volonté du gouvernement de tenter d'enrayer ces départs, un phénomène qui touche d'autres pays européens, "se heurte à des questions assez complexes que ce plan n'aborde pas", regrette une source proche du renseignement.

La gestion des données recueillies à travers la plateforme de signalement, qui n'a pas été abordée en détail par le ministre, soulève également des interrogations.

"Les services de police vont-ils conserver les renseignements dans une base de données? Et si oui, qui va les contrôler, les gérer? Cette base sera-t-elle soumise à une quelconque autorité?", s'interroge Mathieu Guidère.

Les modalités d'application de ces mesures ne sont pas encore établies dans le détail, selon le ministère de l'Intérieur, où l'on assure toutefois que "tout sera fait selon les règles de droit."

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