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Syrie: les rivalités jihadistes entraînent une remise en cause du leadership d'Al-Qaïda

Syrie: les rivalités jihadistes entraînent une remise en cause du leadership d'Al-Qaïda

Les profondes divisions entre groupes jihadistes en Syrie, auparavant alliés sous la bannière d'Al-Qaïda et désormais frères ennemis, commencent à susciter une remise en cause du leadership du réseau, estiment des experts.

Chose inimaginable du temps d'Oussama ben Laden, son successeur Ayman al-Zawahiri est sous le feu des critiques sur les forums jihadistes, accusé d'être "vieux" et qualifié de "prince des khawarij", ceux qui ont quitté la voie du jihad.

Depuis début janvier, des combats fratricides entre le Front al-Nosra, reconnu comme la branche officielle d'Al-Qaïda en Syrie, et le puissant groupe de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), ont fait des milliers de morts.

L'EIIL, né en Irak après l'invasion américaine de 2003, a suscité en effet l'exaspération du reste de la rébellion en Syrie à cause de sa volonté d'hégémonie et de la brutalité de ses méthodes à l'encontre des civils.

Pour Charles Lister, chercheur associé au Brookings Centre de Doha, la question du leadership du mouvement jihadiste se trouve au coeur de ce conflit en Syrie.

"Cette dispute se concentre maintenant sur qui représente le vrai mouvement jihadiste, non seulement en Syrie, mais partout ailleurs", explique-t-il.

Et cette guerre d'influence entre Al-Nosra et l'EIIL "pourrait faire des remous dans la communauté jihadiste internationale", selon lui. "Le conflit en Syrie a offert des opportunités incroyables aux groupes jihadistes, et avec de telles opportunités arrivent les divisions".

Dernière attaque en date, le porte-parole de l'EIIL, Abou Mohammed al-Adnani, a accusé les dirigeants d'Al-Qaïda de trahir la cause jihadiste.

"Al-Qaïda n'est plus aujourd'hui une base pour le jihad", a-t-il déclaré dans un communiqué posté vendredi sur les forums jihadistes. Les "dirigeants d'Al-Qaïda se sont détournés de la bonne voie (...) Ils ont divisé partout les rangs des moujahidine", a-t-il encore déploré.

Dans une interview diffusée samedi, Zawahiri a démenti de telles allégations et a appelé à l'unité dans les rangs contre le régime de Bachar al-Assad.

"Notre méthode est d'éviter (...) des opérations qui pourraient potentiellement verser le sang de façon injuste (...) de personnes sur les marchés, dans les zones résidentielles et même parmi les groupes jihadistes", a-t-il insisté dans cette interview réalisée entre février et avril selon le centre américain de surveillance des sites islamistes SITE.

Mais sur internet, les anti-Zawahiri multiplient les critiques.

"Zawahiri est tombé (...). Nous ne l'écouterons plus. Aux oubliettes de l'histoire, Al-Qaïda", écrit ainsi Munassar al-Mumineen, partisan de l'EILL, sur son compte Twitter.

Ce n'est pas la première fois dans l'histoire d'Al-Qaïda que des divisions apparaissent, souligne Alan Fraser, un spécialiste du Moyen-Orient pour le consultant britannique AKE Group.

"Les jihadistes ont toujours été prompts à la division et aux conflits internes, car il y a souvent bien plus en jeu que de simples questions idéologiques", selon lui.

"Il y a toujours eu des tensions entre les groupes et au sein des groupes pour savoir jusqu'où pouvait aller leur extrémisme et jusqu'où ils pouvaient aller pour récolter des fonds et imposer leur croyance aux populations locales", ajoute-t-il, rappelant les dissensions au sein des islamistes algériens pendant et après la guerre civile des années 1990.

Mais ces divisions ont surtout pour conséquence de faire le jeu du régime syrien, dont l'armée, appuyée par le mouvement chiite libanais Hezbollah, a remporté ces derniers mois plusieurs victoires face à des rebelles qui souffrent en plus d'un manque d'approvisionnement et de l'absence d'un commandement unifié.

"Les divisons ont détourné certains groupes de l'objectif premier, lutter contre le régime de Bachar al-Assad, à l'image du Front al-Nosra, qui est désormais totalement impliqué dans ces combats" contre l'EIIL, souligne Lina Khatib, directrice du Carnegie Middle East Center à Beyrouth.

"Le régime Assad profite des combats entre jihadistes, car au final, ils jouent son jeu", ajoute-t-elle.

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