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Une décharge transformée en jardin: plus qu'un symbole à Medellin

Une décharge transformée en jardin: plus qu'un symbole à Medellin

Une montagne d'ordures de 45 mètres de haut transformée en jardin municipal: plus qu'un symbole, cette métamorphose a changé la vie d'un quartier misérable et de ses habitants à Medellin, dans le nord-ouest de la Colombie.

"C'était un dépôt d'ordure et aujourd'hui nous sommes comme des rois", lance à l'AFP Oriol Arturo Arango. Pendant 22 ans, cet homme de 31 ans a vécu entre les détritus. Aujourd'hui le voici devenu un des jardiniers du parc.

"Pour marcher, il fallait se faufiler entre les têtes d'animaux. Du liquide coulait des ordures", se rappelle-t-il.

En 30 ans, Moravia, un des quartiers pauvres de la deuxième ville colombienne, a accumulé jusqu'à 1,5 million de tonnes de déchets. Un dépotoir sauvage autour duquel résidaient plus de 2.000 familles dans des maisons construites de bric et de broc, vivant du recyclage.

"Il y avait pratiquement trois incendies par an avec les gaz", raconte Neira Agudelo, une jeune femme de 27 ans.

Elle avait quatre ans quand elle a emménagé parmi les ordures, après que sa famille eut été chassée de la localité rurale de San Carlos, à 140 kilomètres de là, sous la pression des groupes illégaux qui sévissent en Colombie, pays en proie à près d'un demi-siècle de conflit armé.

"Ma mère n'a jamais pu me dire qui ils étaient. On savait que c'était des groupes en marge de la loi et, un jour, ils sont arrivés et ils ont tué plein de gens. Et ma mère a pris la décision de venir", poursuit-elle.

Pendant longtemps, les autorités n'ont pas prêté attention aux banlieues misérables de Medellin, secouées par la violence des cartels de la cocaïne, tout puissants dans les années 1980-90.

C'est même Pablo Escobar, le célèbre baron de la drogue, qui, se targuant de ses oeuvres de charité, finança quelque 400 logements dans l'est de la ville, dans un quartier connu populairement sous son nom.

Vingt ans plus tard, la municipalité décida enfin de s'attaquer au problème de la décharge sauvage en lançant un projet baptisé "Moravia fleurit pour la vie".

Opération réussie: un nouveau parc urbain s'étire désormais le long de l'autoroute qui borde la rivière de la ville, avec des jardins cultivés sur des terrasses. A l'intérieur du jardin apparaissent encore ça et là quelques morceaux de plastique, témoins des ordures compactées et entassées sous la colline.

"On a transformé ce qui était un dépotoir en projet environnemental et urbain pour améliorer le quartier", indique à l'AFP Julio Castro, gérant du parc municipal de Moravia.

Autre signe du passé, quelques cabanes rompent la symétrie des cultures, avec leur toit fabriqué à l'aide de déchets. Selon la mairie, quelque 200 familles vivent encore sur les sept hectares de la colline, en attendant de recevoir un logement.

"Ce que nous voulons, c'est qu'on nous reloge dans les environs de Moravia", témoigne Andrea Alvarez, autre habitante convertie en jardinier.

Toutefois, elle ne semble pas trop pressée. Avant de travailler dans le parc, cette femme de 23 ans était au chômage. Le salaire qu'elle reçoit de la municipalité lui permet de faire vivre ses deux enfants.

Pas question d'envisager un déménagement à la légère. "On a vu plein de problèmes, quand des gens sont partis ailleurs. Il y a tant de violence dans d'autres secteurs que nous ne connaissons pas bien, beaucoup de gens sont morts", explique-t-elle.

Le projet de Moravia vise aussi à préserver l'environnement, menacé par la décharge enfouie sous la terre. Des canalisations récupèrent ainsi le liquide, issu des matériaux en décomposition, pour l'acheminer vers une unité de traitement des eaux.

La prochaine étape consiste à construire une serre pour cultiver des orchidées, afin d'augmenter les revenus des "jardiniers". Une fleur symbolique pour certains, et pas seulement parce qu'elle s'adapte facilement.

"L'orchidée Cattleya est hermaphrodite, ce qui fait penser aux femmes de Moravia: nous sommes à la fois des mères et pères", glisse avec humour Neira Agudelo, chef de famille célibataire comme la plupart de ses voisines.

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