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Snowden traître ou héros ? la question en creux des prix Pulitzer

Snowden traître ou héros ? la question en creux des prix Pulitzer

Edward Snowden, traître ou héros? Et les journaux qui ont révélé l'ampleur des programmes de surveillance de la NSA? Dix mois après l'affaire, le débat aux États-Unis a repris avant l'annonce lundi des prestigieux prix Pulitzer de journalisme.

Pour beaucoup de journalistes, la réponse va de soi. Avec une histoire, probablement la plus influente de ces dix dernières années, les quotidiens britannique The Guardian et américain The Washington Post ont ouvert de nouveaux horizons, en exposant comment le gouvernement américain surveille les données de millions de personnes.

Mais ces révélations, provenant de documents fournis par l'ancien consultant de la NSA, ont embarrassé le gouvernement américain et tendu les relations avec des pays alliés furieux de découvrir que Washington enregistrait même les conversations privées de certains de leurs dirigeants.

Elles ont aussi suscité un vif débat aux États-Unis sur les mérites et la moralité de tels programmes.

L'opinion publique américaine reste divisée. Beaucoup pensent que les Américains ont le droit de savoir ce que fait le gouvernement. D'autres voient en Snowden un traître et un criminel qui doit être poursuivi.

Paul Janensch, professeur émérite à la faculté de communication de l'université de Quinnipiac, prédit des tensions entre les journalistes et les membres plus établis du jury du prix Pulitzer.

"D'un côté, ce sont de fabuleux morceaux de journalisme, mais de l'autre, il s'agit de documents qui ont fuité, qui étaient classés secrets, cela a inquiété le gouvernement" dit-il à l'AFP.

"Et la personne qui a fourni cette information s'est réfugiée en Russie, je comprends qu'il puisse y avoir un sérieux débat".

En janvier dernier, James Clapper, le directeur du renseignement américain, avait suggéré que les journalistes avaient été "complices" de Snowden. Il leur avait demandé de rendre les documents volés.

Glenn Greenwald et Laura Poitras, journalistes américains qui avaient interviewé Snowden à Hong Kong en juin dernier, sont revenus vendredi pour la première fois aux États-Unis.

Après avoir reçu le prix de journalisme George Polk pour leur couverture de l'affaire avec deux autres journalistes, Ewen MacAskill du Guardian et Barton Gellman du Washington Post, ils ont dit craindre d'être arrêtés et cités à comparaître.

"Je ne peux pas imaginer de choix plus approprié pour un prix Pulitzer", confie à l'AFP Mark Miller, professeur de médias, culture et communication à l'université de New York.

"Glenn Greenwald a fait ce que les journalistes américains sont censés faire: servir l'intérêt public en mettant en lumière les abus de pouvoir flagrants du gouvernement".

Il y a une "pression énorme" sur les journalistes pour qu'ils restent dans le rang, ajoute-t-il, en dépit des lois protégeant la liberté de la presse aux États-Unis.

"Les vrais héros journalistiques dans ce pays sont généralement les non conformistes, les excentriques, ceux qui osent traiter d'histoires rejetées comme une +théorie du complot+", ajoute-t-il.

Selon les experts des médias, rien ne prouve que les révélations sur les programmes de surveillance aient mis en danger la sécurité nationale.

Greenwald, Poitras et MacAskill insistent sur le fait qu'ils ont traité l'affaire avec beaucoup de prudence.

Selon leurs soutiens, la crédibilité du jury Pulitzer serait atteinte s'il ne rend pas hommage au scoop le plus important de ces dix dernières années.

Cela voudrait dire qu'ils "ont cédé à l'aile droite de la politique américaine ou aux conservateurs en matière de sécurité", estime Christopher Simpson, professeur en communications à l'American University à Washington.

Selon lui, les médias américains sont fondamentalement plus conservateurs sur les questions de sécurité nationale que certaines publications étrangères.

"Je pense que la couverture européenne est moins soumise à ce que la CIA pourrait vouloir (par rapport aux médias américains) et cela inclut le Washington Post et le New York Times" ajoute-t-il.

Mais selon Rem Rieder, spécialiste des médias pour le quotidien USA Today, l'opinion publique américaine et la couverture journalistique ont évolué ces dix derniers mois.

Initialement cette dernière se concentrait sur Snowden, qualifié de lâche ou de traître, mais elle s'est ensuite concentrée sur ce qu'il avait révélé, et sur ce que les Américains devraient faire.

"Quelle que soit la décision du jury Pulitzer, la réaction à tous les niveaux de notre culture sera mitigée", prédit-il.

jm/bd/mra/abl

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