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Rwanda : la mutation en images

Rwanda : la mutation en images

Vingt ans après le génocide, Kigali montre l'image d'un pays qui a su se relever de l'horreur. Mais dans la société civile ou passé les faubourgs de la capitale, les défis restent nombreux.

Un reportage d'Anyck Béraud

Cent jours de tuerie, plus de 800 000 morts; le Rwanda n'était que destruction en 1994.

Ces dernières années, le portrait est tout autre. Ce petit pays de 12 millions d'habitants connaît une croissance annuelle de 8 %, attribuable notamment au tourisme et au secteur de la construction. Le taux de scolarisation net atteint presque 97 %, selon le gouvernement. Eau courante, assurance maladie et espérance de vie : les indicateurs montrent d'importants progrès.

Chômage des jeunes, liberté de parole et appareil sécuritaire

Mais le miracle rwandais a, comme toute médaille, un revers. Les jeunes forment plus des deux tiers de la population. Or, ils sont plus de 40 % au chômage.

Le même pourcentage de Rwandais vit sous le seuil de la pauvreté. Une pauvreté notamment visible dans des secteurs que nous avons traversés en périphérie de la capitale ou encore en région rurale, dans la province de l'Est. L'électricité n'atteint qu'une minorité de foyers.

Il reste difficile de critiquer le gouvernement, que ce soit pour les médias ou les opposants politiques. En témoigne le leader du Parti vert démocratique, revenu d'exil, dont nous vous parlons plus bas. Sans compter les forts soupçons d'exécution de dissidents réfugiés à l'extérieur du Rwanda.

Côté sécurité, policiers et soldats sont omniprésents dans les rues, devant les bâtiments publics et les hôtels. Une main ferme que le président Paul Kagamé justifie au nom de la stabilité du pays, 20 ans après les scènes de chaos et de mort. Mais les agissements de l'homme fort du Rwanda et le rôle qu'on lui attribue dans la déstabilisation dans l'est de la République démocratique du Congo lui valent des critiques de pays alliés. Ils ont même incité certains donateurs comme les Pays-Bas à réduire, voire à geler leur aide financière.

Plongée dans ce pays en mutation en images :

Le futur Centre de conférences de Kigali. L'une des nombreuses constructions en cours dans la capitale.

Centre-ville de Kigali. Le gouvernement veut faire du Rwanda un centre financier et de haute technologie. La Banque mondiale a décrété que c'était le deuxième pays le plus propice aux affaires en Afrique. Et selon Transparency International, il arrive en tête des pays africains les moins corrompus.

Partout où nous nous sommes promenés, en ville (comme ici à Kigali) ou en milieu rural, c'est propre : pas de détritus dans les rues. Les sacs en plastique sont interdits au pays.

Et chaque dernier samedi du mois, les Rwandais doivent participer à l'Umuganda : les travaux communautaires. Ils réparent les routes, nettoient les rues, réparent ou construisent des bâtiments et des écoles, par exemple.

Le « kLab », à Kigali. Le gouvernement a créé cet espace présenté comme un centre d'innovation en nouvelles technologies. Les Rwandais, surtout les jeunes, y viennent pour avoir accès gratuitement au wifi, échanger, trouver des moyens et des idées pour améliorer ou pour créer leur entreprise.

Akaliza Keza Gara, 28 ans, est une habituée du kLab. Elle a fondé sa compagnie, Shaking Sun, qui encadre des innovateurs, en 2010. Elle sent qu'il y a plein de possibilités au Rwanda et veut inciter davantage de femmes à se lancer dans les technologies. Elle est aussi conseillère jeunesse au sein de la filiale africaine d'une grande multinationale américaine en technologie de pointe.

Colombe Akiwacu, 19 ans, a été élue Miss Rwanda 2014. À ceux qui critiquent les concours de beauté en disant que le pays a des problèmes urgents à régler, elle rétorque qu'elle sert d'ambassadrice aux jeunes Rwandais et que la beauté est également importante pour le développement du pays. La jeune femme veut se servir de modèle aux jeunes pour les inciter à aller au bout de leurs rêves et à ne pas désespérer face au chômage.

Le Rwanda dépend encore beaucoup de l'aide internationale, mais il cherche à attirer les investisseurs privés. Vivian Kayitesi, chargée de la promotion des investissements au Conseil du développement du Rwanda, parle du ratio actuel entre investissements étrangers et rwandais, et du fossé entre le développement urbain et rural.

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Soixante-quatre pour cent des parlementaires sont des femmes au Rwanda, dont Ignatienne Nyirarukundo, 44 ans. Après le génocide, les femmes composaient 70 % de la population. Elles se sont fortement impliquées socialement et politiquement pour reconstruire le pays : pour faire adopter des lois contre la violence conjugale, sur l'égalité comme l'accès à la propriété et à des moyens de contraception, pour offrir de l'aide aux rescapés. Les femmes ont particulièrement été touchées par les viols, utilisés comme arme génocidaire.

Du côté des opposants politiques, le son de cloche s'avère différent. Frank Habineza, chef du Parti vert démocratique. Il est revenu d'un exil de 3 ans en Suède, mais sans sa famille. Son vice-président a été égorgé en 2010. Il dit comprendre que le parti au pouvoir de Paul Kagame ait été ferme après le génocide pour ramener la paix. Mais il ajoute qu'avec l'adoption de la Constitution en 2003, il s'attendait à une plus grande ouverture, un plus grand respect des libertés. L'opposant politique dénonce la loi qui punit d'au moins deux ans de prison, tout commentaire jugé abusif, car il croit que cela musèle toute critique du président Kagame.