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Marathon des sables: J'ai tutoyé l'enfer au paradis

Marathon des sables: J'ai tutoyé l'enfer au paradis

Si le désert magnifie l'âme, il vous forge aussi un caractère. Imaginez donc: courir avec un sac qui contient nourriture lyophilisée, équipement obligatoire et les 3 litres d'eau fournis à chaque check-point. C'est le défi du 29e Sultan Marathon des Sables (04-14 avril).

Au milieu d'un peloton d'un millier de coureurs il s'agit pour moi de couvrir près de 250 km en six étapes, avec la fameuse étape longue (81 km) que je viens d'achever au moment d'écrire ces lignes, après 13h20 de bonheur et de douleur.

Cette 4e étape nous propose des traversées de dunettes comme mise en jambes, avant la majestueuse ascension d'un djebel.

Les heures s'égrènent et la chaleur monte jusqu'à dépasser les 40°C à l'ombre. Toutes les 5 minutes, je bois une gorgée d'eau, le vent assèche ma langue et mon palais, mes lèvres commencent à se craqueler sous l'effet du soleil et du très faible taux d'hygrométrie (10%). Bizarrement, on transpire très peu.

Je trouve la force de sortir de temps en temps mon appareil photo car le décor est splendide: lit d'oued rocheux ocre et noir, dunes de sable fin d'un jaune saisissant comme la chaleur qui s'en dégage. Un vrai four.

Comme un moteur de voiture qui frise la surchauffe, il faut parfois sacrifier quelques précieuses gouttes d'eau pour se mouiller la tête, la nuque, les jambes. Les guêtres cousues aux chaussures de course à pied: pas un seul grain de sable ne pénètre, mais la chaleur du pied ne s'évacue pas. Entre les frottements des chaussettes et la macération de la transpiration, c'est l'ampoule assurée.

C'est d'ailleurs le mal qui touche la quasi totalité des concurrents: pour certains, ce sont de véritables escalopes de peau qui s'arrachent. Plus possible de poser le pied le soir, mais grâce aux médecins du bivouac, les ampoules sont vidées à coup de scalpel, et séchées. Certains concurrents se le font eux même, à l'aide de seringues d'éosine: douloureux mais particulièrement efficace.

De mon côté, je m'en sors relativement bien: seuls les ongles de mes deux gros orteils sont amenés à tomber. En cause, un hématome entre l'ongle et la peau. Pas grave, ça repousse !

Physiquement, cet effort est éprouvant et sa réussite dépend d'une somme de petits détails. En négliger un seul et c'est l'abandon assuré. Ne pas prendre garde à une ampoule qui s'infecte et c'est la fin de l'aventure. Oublier ses pastilles de sel (4 par litre d'eau), et c'est la déshydratation qui vous cueille. Ne pas bien s'alimenter ni se reposer exclut d'enchaîner un marathon par jour.

Certains concurrents n'abordent le MDS qu'en mode randonnée et marche active là où d'autres jouent le classement général. Après, c'est aussi un choix stratégique. Les départs à l'aube sont intéressants: plus tôt on arrive au campement, plus on bénéficie de repos avant d'attaquer l'étape du lendemain. Et avec un soleil brûlant jusqu'à 17h00, voilà qui pousse à accélérer la cadence !

Quand le moral commence à être entamé, je ne rêve que de ça: arriver, poser ce maudit sac à dos qui me lacère les épaules, m'allonger sous la tente, retirer mes chaussures, mes chaussettes, faire l'état des lieux de mes pieds en priant pour qu'il n'y ait pas de mauvaise surprise. Quelle que soit l'heure, je me prépare un taboulé froid, je me change et m'allonge en attendant les autres aventuriers de la tente 18.

Quand mes compagnons arrivent à leur tour, éreintés, on refait l'étape du jour. C'est ensuite l'heure d'aller chercher du bois autour du campement. En fait il s'agit plus de racines de petits buissons secs, mais c'est suffisant pour allumer un petit feu, pour y mettre une popote et faire chauffer l'eau, pour manger chaud et se réhydrater.

Loin des téléphones portables, d'internet, de la radio, de la télévision, cette semaine de vie dans le désert est régénérante.

Ramasser du bois, faire du feu, faire attention à sa consommation d'eau et partager durant une semaine intimité et confort sommaire avec des inconnus qui vont devenir des amis à jamais, c'est la magie de l'exercice. Cette course est avant tout une expérience partagée. Ceux qui l'ont déjà faite vous en parlent encore des étoiles plein les yeux.

Vincent Hulin, dossard 231.

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