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Carme Forcadell, égérie des indépendantistes de Catalogne

Carme Forcadell, égérie des indépendantistes de Catalogne

Regard déterminé, la voix posée se faisant plus résolue dans ses discours publics, elle affiche une volonté de fer. "La Catalogne n'a d'autre choix que l'indépendance", assure Carme Forcadell, présidente d'un puissant lobby citoyen devenue l'égérie des indépendantistes de la région.

Cheveux courts et lisses, cette linguiste de 58 ans porte aujourd'hui les aspirations à l'indépendance de la Catalogne, cette région du nord-est de l'Espagne dont les dirigeants veulent organiser le 9 novembre un référendum d'autodétermination, refusé par Madrid.

L'engagement en politique de Carme Forcadell n'est pas nouveau. Elle a fait partie de la direction du parti indépendantiste de gauche de l'ERC, aujourd'hui seconde force politique régionale derrière les nationalistes de CiU. Elle a collaboré avec de nombreuses associations culturelles catalanes et organisé, il y a trois ans, des consultations locales sur l'indépendance.

Fonctionnaire, depuis 1985, au département de l'Éducation, l'équivalent d'un ministère régional, elle coordonne un programme sur l'enseignement du catalan, l'un des grands axes de la politique régionale depuis la fin du régime franquiste en 1975, qui avait banni cette langue de tout usage public.

Cette trajectoire l'a conduite en 2012 à la présidence de l'Assemblée nationale catalane (ANC), un groupe de pression très influent, créé en 2011, capable de mobiliser des centaines de milliers de citoyens pour l'indépendance et de s'imposer dans l'agenda politique régional.

Au point d'être qualifiée par certains de "gouvernement dans l'ombre".

"Nous ne le sommes pas", tranche Carme Forcadell.

Omniprésente dans les médias, elle entretient des contacts réguliers avec le monde politique, y compris avec le président nationaliste catalan, Artur Mas.

"Nous devons faire pression sur le gouvernement et les partis politiques, mais ce sont eux qui prennent les décisions", assure-t-elle. "Mais le gouvernement s'est engagé à organiser une consultation et il doit le faire".

Jusqu'à présent, le pari semble réussi. Après une manifestation massive à Barcelone le 11 septembre 2012, Artur Mas a convoqué des élections régionales anticipées, promettant lors de sa campagne d'organiser un referendum.

Un an plus tard, l'ANC a organisé une immense chaîne humaine du nord au sud de la Catalogne, pour faire une nouvelle fois pression sur le gouvernement régional. Trois mois plus tard, le 12 décembre, les partis nationalistes annonçaient la date du 9 novembre 2014 pour organiser le référendum.

"Notre force, c'est que nous sommes très nombreux, sur tout le territoire, et de tous horizons: de droite, de gauche, chômeurs, chefs d'entreprise...", ajoute Carme Forcadell.

"En deux ans, nous avons énormément avancé, en grande partie grâce à la pression de la société civile", souligne-t-elle, alors que l'ANC compte aujourd'hui 34.000 adhérents et 15.000 sympathisants.

Les traits tirés après une journée interminable, au lendemain du rejet par les députés espagnols du projet de referendum, elle affiche néanmoins une détermination intacte: "Au final, nous sommes gagnants. Si on te ferme des portes, il ne reste qu'une seule sortie: avoir un État".

Passant outre l'opposition de Madrid, l'ANC insiste pour que le référendum ait bien lieu et a fixé un calendrier devant aboutir à une proclamation d'indépendance le 23 avril 2015.

Dans l'intervalle, elle prévoit pour le 11 septembre une autre démonstration de force: remplir les avenues de Barcelone d'une immense foule formant un V, comme "victoire" ou "voter".

Si un référendum n'était pas possible, "nous devrions faire le choix d'élections anticipées et d'une déclaration unilatérale d'indépendance, en cas de victoire des partis nationalistes", estime Carme Forcadell.

Alimentée par la crise économique en Espagne, qui a engendré un sentiment d'injustice dans cette riche région, la poussée indépendantiste s'est nourrie aussi d'une décision de la justice espagnole, en 2010, qui a amputé le statut d'autonomie de la Catalogne, supprimant un article qui la définissait comme une nation.

"Cela a été une humiliation. Beaucoup de gens qui pensaient qu'une entente était possible avec l'Espagne ont vu que ce ne l'était pas", analyse la présidente de l'ANC.

"On peut être indépendantiste pour de nombreuses raisons, économiques, culturelles, politiques, historiques... Mais je crois que la raison commune à tous est la dignité", résume-t-elle. "La majorité d'entre nous sont indépendantistes par dignité".

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