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Les anciens moutons noirs de l'Europe trinquent à la santé de la dette grecque

Les anciens moutons noirs de l'Europe trinquent à la santé de la dette grecque

Loin des scénarios les plus pessimistes, les anciens moutons noirs de la zone euro ont fêté le retour ultra symbolique de la Grèce jeudi par une moisson de records sur le marché de la dette.

Un peu plus de trois ans après le début de la crise de la dette qui aurait pu prédire que la Grèce pourrait emprunter 3 milliards d'euros à cinq ans avec un rendement inférieur à 5%, en attirant quelque 20 milliards d'euros de demande ? Ou encore que le taux d'emprunt à cinq ans de l'Espagne passerait au-dessous de celui des États-Unis ?

Or depuis un peu plus d'un an les pays les plus fragiles de la zone euro, Espagne et Italie en tête, ne cessent d'afficher une santé florissante sur le marché obligataire.

Le retour réussi de l'Irlande puis celui du Portugal sur les marchés en début d'année sont venus consolider cette tendance de fond.

Pour ajouter au symbole les taux d'emprunt à dix ans de l'Italie et de l'Irlande ont atteint jeudi des records absolus.

"Il y a encore quelque temps, nous n'aurions pas pu imaginer un tel résultat pour la Grèce, la performance est phénoménale", souligne Patrick Jacq, un spécialiste du marché obligataire de BNP Paribas.

"Elle vient confirmer la bonne performance des dettes des pays les plus fragiles de la zone euro qui a commencé à se matérialiser au début de l'année dernière pour l'Espagne et l'Italie, s'est ensuite prolongée avec l'Irlande et le Portugal et dont la Grèce bénéficie aujourd'hui à son tour", complète-t-il.

Les ingrédients du cocktail sont simples: moins de risques du fait de la stabilisation budgétaire ou de l'amélioration économique, des rendements nettement plus attractifs que la dette de référence à 10 ans de l'Allemagne -le fameux "Bund"- et un soutien encore significatif des banques centrales qui favorise avant tout les plus fragiles.

"En 2013, ceux qui ont acheté de la dette allemande, ont perdu de l'argent à la fin de l'année", rappelle ainsi M. Jacq.

"Cette situation est assez étonnante, mais elle traduit une recherche de rendement assez exacerbée dans un environnement de taux qui reste très bas", relève également Vincent Chaigneau, responsable de la stratégie obligataire à la Société Générale.

"Dans un contexte de marché caractérisé par la recherche de rendement, pour un investisseur", la dette grecque offre un gain "deux fois supérieur à un titre portugais", note aussi Cyril Regnat, un spécialiste du marché obligataire chez Natixis.

Le phénomène est appelé à durer, avec une convergence de plus en plus forte des dettes de ces pays avec les plus solides de la zone euro que sont l'Allemagne et la France, ajoute-t-il, en notant toutefois un "écart encore significatif entre la qualité de crédit de l'Italie et de l'Espagne et celle de la Grèce".

Mais tous s'accordent pour estimer qu'il est encore trop tôt pour parler d'une sortie de crise, et que les performances actuelles sur le marché obligataire de ces pays, en particulier la Grèce, posent encore énormément de questions.

"Nous pouvons nous demander s'il ne s'agit pas d'une forme d'exubérance, dont la Réserve fédérale américaine commence aussi à s'inquiéter" et qui constitue également "un point important du rapport sur la stabilité financière du Fonds monétaire international", observe ainsi M. Chaigneau.

Et de poursuivre: "fondamentalement, cela soulève des questions, car le niveau de la dette grecque reste élevé".

"Même s'il n'y a pas de risque majeur à court terme", il y a "encore une bataille qui se joue sur la situation économique fondamentale" et "il est encore prématuré de dire que la crise est terminé", précise-t-il.

"Il y a des signes encourageants, mais il faut maintenant que cela se matérialise et que la croissance reprenne", estime également M. Jacq.

"La transmission à l'économie réelle" de cet environnement de taux attractif "est lente" et "ne se traduit pas par une forte reprise du crédit", insiste M. Chaigneau.

"C'est un pas de plus vers la sortie, résume M. Regnat, mais il y a encore beaucoup de boulot".

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