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France: rejet d'une demande d'extradition vers le Rwanda d'un génocidaire présumé

France: rejet d'une demande d'extradition vers le Rwanda d'un génocidaire présumé

La justice française a rejeté jeudi la demande d'extradition vers le Rwanda d'un génocidaire présumé, Pierre Tegera, s'appuyant sur l'impossibilité juridique de la France de donner suite à cette requête.

Ce rejet survient alors que les relations entre la France et le Rwanda traversent une nouvelle crise, après des accusations du président rwandais Paul Kagame sur l'implication de la France dans le génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le sud de la France, a émis un avis défavorable à la demande du Rwanda, en faisant valoir une jurisprudence récente de la Cour de cassation.

Mais "cela ne veut pas dire que la cour est convaincue que vous n'êtes pas impliqué dans les faits qui vous sont reprochés", a déclaré sa présidente, Nicole Besset, à l'attention de Pierre Tegera.

La chambre a suivi les réquisitions de l'avocate générale Solange Legras qui, lors de l'audience du 13 mars, s'était opposée à cette demande d'extradition en vertu de cette jurisprudence de février 2014, selon laquelle une extradition vers le Rwanda serait contraire au principe de "non-rétroactivité de la loi pénale": on ne peut être jugé pour une infraction qui n'était pas définie par la loi au moment des faits.

Or les demandes rwandaises d'extradition concernent "des faits qualifiés de génocide et de crimes contre l'humanité qui n'étaient pas incriminés par l'Etat requérant à l'époque où ils ont été commis", souligne la Cour de cassation. Le génocide est poursuivi au Rwanda en vertu de lois datant de 1996 et 2004.

Pierre Tegera, 62 ans, ambulancier à Nice (sud) où il réside selon son avocat Zia Oloumi, est soupçonné, d'après une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), d'avoir participé, dès le début des années 1990, aux massacres de Tutsi dans sa commune de Kibilira, dans le nord du pays, puis d'avoir apporté un "soutien important" aux miliciens interahamwe (extrémistes hutu, fers de lance du génocide).

Il lui est reproché d'avoir assassiné 349 personnes dans des conditions génocidaires. Son nom figure dans le "Rapport de la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'Homme au Rwanda" de janvier 1993.

Il avait été interpellé en juillet 2013 à Nice suite à un mandat d'arrêt international du Rwanda, et fait depuis l'objet d'un contrôle judiciaire. Son statut de réfugié politique lui avait été retiré en septembre 2008.

"Il est inadmissible de pouvoir vivre ainsi tranquillement en France depuis longtemps, sans que rien ne soit fait, alors qu'on vous reproche des faits de génocide", avait déclaré l'avocat du Rwanda, Gilles Paruelle, à la suite de l'audience.

M. Tegera, lui, clame son innocence. "Il y a eu des bourreaux, des criminels, des génocidaires. Il faut les poursuivre, les punir. Mais je ne suis pas de ceux-là, il y a eu manipulation", a-t-il déclaré jeudi à l'issue de l'audience, se disant "vraiment soulagé" par la décision de la cour.

"Je garde la conviction de mon innocence, je vais continuer mon combat judiciaire pour la prouver", a ajouté cet ancien ingénieur agronome, qui était responsable du "programme pommes de terre" au Rwanda.

"Son rêve était de faire du Rwanda un jardin de pommes de terre, on lui reproche d'en avoir fait un champ de cadavres", résume son avocat.

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