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En Inde, une flasque de whisky pour bien faire glisser le bulletin de vote

En Inde, une flasque de whisky pour bien faire glisser le bulletin de vote

Rampal Singh, chauffeur de rickshaw, garde un vif souvenir de la dernière "fête" de la démocratie dont il a profité lors des précédentes élections législatives en Inde en 2009: outre un repas chaud, il avait reçu une bouteille de whisky et un billet.

"Ils nous ont offert un excellent biryani (du riz cuisiné avec de la viande) et du whisky", se rappelle-t-il avec nostalgie, évoquant ce repas organisé pour lui et d'autres électeurs par un grand parti.

"J'ai été emmené en bus en un lieu où nous avons été traités comme les hôtes d'une grande fête. On a aussi reçu un billet de 500 roupies (6 euros). Puis ils nous ont demandé de voter pour eux", déclare-t-il à l'AFP.

Singh gagne environ 5.000 roupies (60 euros) par mois à parcourir les rues poussiéreuses de Delhi au guidon de son cyclo-rickshaw et doit nourrir sa famille de cinq personnes. Il ne regrette pas d'avoir rendu service à son hôte en votant pour lui.

"Je suis sûr qu'il vont nous remmener cette fois encore", raconte cette homme de 42 ans alors que New Delhi vote jeudi à l'occasion de la troisième des neuf phases des élections législatives marathon qui ont débuté lundi.

Acheter un vote en offrant de l'alcool ou de l'argent est une pratique ancienne en Inde en dépit des lourdes amendes prévues par la Commission électorale.

La Commission a indiqué lundi qu'elle avait saisi 32,5 millions de dollars en liquide et 2,7 millions de litres d'alcool lors de contrôles réalisés depuis l'annonce du calendrier électoral le 5 mars.

Au cours des précédents scrutins, de l'alcool a été retrouvé dans des camions-citernes et de l'argent liquide dans des ambulances.

Influencer le choix des électeurs est aisé en Inde où 70% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, estime K.G. Suresh, du think tank Vivekanand International Foundation basé à New Delhi.

"Des millions de gens luttent pour pouvoir manger. L'élection, c'est comme un jour de paye et leur loyauté dépendra de ce qu'on leur propose", relève-t-il.

"Un candidat peut perdre simplement parce que son adversaire a les poches plus profondes que lui et peut offrir des cadeaux de veille de scrutin", ajoute le chercheur.

Si la distribution d'alcool ou d'argent est illégale, nombre de partis distribuent, légalement, des cadeaux pour s'assurer la loyauté de leurs électeurs.

La chef de l'exécutif de l'Etat du Tamil Nadu, Jayalalithaa Jayaram, est considérée comme une experte en la matière, ayant distribué des machines à coudre, des mixeurs à épices et même de l'or aux plus pauvres après avoir remporté les élections de son Etat en 2011.

Dans son programme de 2014, elle promet des vaches, des chèvres, des ventilateurs et 20 kilos de riz pour les pauvres.

Avant une élection en 2012 dans l'Etat de l'Uttar Pradesh (nord), un parti régional, le Samajwadi Party, avait promis des ordinateurs portables gratuits aux étudiants. Le parti avait remporté une belle victoire dans cet Etat qui constitue l'un des enjeux clé des législatives de 2014 puisqu'il offre 80 des 543 sièges du parlement.

"Ce fut un coup de maître. Beaucoup d'étudiants n'avaient jamais eu en main un ordinateur portable", selon Radhe Shyam Lal, un haut fonctionnaire de l'Etat.

De telles pratiques peuvent cependant avoir des effets pervers.

Le parti régional DMK a ainsi offert des télévision gratuites dans le Tamil Nadu avant les élections de l'Etat en 2006, rappelle le chercheur de la Vivekanand Foundation.

Le DMK a ensuite été aux prises l'un des plus grands scandales jamais révélé en Inde, l'un de ses ministres A. Raja étant mis en cause dans la vente frauduleuse de licences de téléphonie mobile.

"En regardant la télévision, les gens ont découvert les pratiques de corruption ayant cours au DMK et ont décidé de ne pas revoter pour eux en 2011", dit-il.

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