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Commission Charbonneau: L'ex-président de Sintra reconnaît avoir fait de la collusion pour des contrats du MTQ

Commission Charbonneau: l'ex-président de Sintra avoue avoir fait de la collusion pour des contrats du MTQ
Radio-Canada

EN DIRECT - L'ex-président de Sintra reconnaît avoir fait de la collusion pour se partager des contrats de pavage, notamment ceux attribués par le ministère des Transports du Québec dès les années 1980.

Normand Bédard, qui a été accusé de corruption, de fraude et d'abus de confiance dans la foulée de l'opération Honorer menée par l'UPAC à Laval, a expliqué avoir été introduit à ces pratiques, visiblement bien implantées chez Sintra, au moment de devenir directeur pour la région de Granby en 1986.

C'est son supérieur chez Sintra qu'il l'a initié à l'époque, lui expliquant que l'entreprise se partageait les contrats de pavages avec deux autres entreprises dans la région. Ces entreprises se partageaient tant les contrats du MTQ que ceux des municipalités et du privé.

« Ça se faisait avant, j'ai rien inventé et on a continué... »

— Normand Bédard

M. Bédard soutient sinon que les autres domaines dans lesquels œuvrait la compagnie étaient en libre concurrence.

Incidemment, Sintra rachètera en dès 1989 un de ses concurrents dans la région et raflera alors les deux tiers des contrats de pavage, l'autre tiers étant réservé à DJL.

Il admet par ailleurs que Sintra s'entendait avec ses compétiteurs pour se partager le territoire du Québec. Conséquemment, une entreprise n'installait pas d'usine d'enrobé bitumineux (asphalte) sur le territoire d'un concurrent.

« On se respectait, on avait une parole, et en général, les gens respectaient leur parole »

— Normand Bédard

L'avantage de cette pratique était notamment que le MTQ favorisait dans l'attribution du contrat la proximité de l'usine avec le lieu des travaux.

Sintra, un entreprise prospère

Sintra, dont les pratiques collusionnaires ont déjà été dénoncées devant la commission par un de ses anciens directeurs, Gilles Théberge, est l'entreprise qui reçoit le plus de contrats de Transports Québec depuis plusieurs années.

Selon Martin Comeau, directeur adjoint de la recherche à la commission, cette filiale de la française Bouygues a obtenu des contrats totalisant 1,6 milliard de dollars entre 1997-98 et 2011-12, ce qui représente 10,6 % de la valeur totale des contrats attribués par le MTQ au cours de cette période.

Lors de cette période, Sintra a ainsi été:

  • le plus important entrepreneur du MTQ pour les contrats de pavage (1422 contrats totalisant 868 millions de dollars, soit 27 % de la valeur des contrats);
  • le plus important entrepreneur du MTQ pour la construction de route (209 contrats totalisant 662 millions de dollars, soit 11 % de la valeur des contrats);
  • le septième entrepreneur en importance pour les contrats de signalisation/éclairage (45 contrats totalisant 18 millions de dollars, soit 5 % de la valeur des contrats).

Au cours de cette même période de près de 15 ans, Sintra a aussi été l'entreprise qui a reçu le plus de contrats d'enrobés bitumineux à tarifs non négociables, accordés de gré à gré par le MTQ. Selon M. Comeau, la valeur des contrats ainsi accordés a particulièrement grimpé à la veille des élections générales de 2003 et celles de 2007 et 2008.

Sintra, qui possède pas moins de 39 usines d'enrobés bitumineux, est de facto l'un des principaux fournisseurs d'asphalte de la MTQ dans la plupart des régions du Québec, notamment dans le Bas-Saint-Laurent (61 % de la valeur de ces contrats), dans Chaudière-Appalaches (58 %), en Abitibi-Témiscamingue (41 %), en Estrie (36 %) en Montérégie (42 % pour la région Est, 32 % pour la région Ouest).

Durant cette même période de près de 15 ans, les employés de Sintra ou des proches ont donné 171 000 $ aux partis politiques provinciaux, a montré M. Comeau, sur la base de données fournies par le Directeur général des élections. Cet argent a été majoritairement versé au Parti libéral et au Parti québécois, dans des proportions similaires.

La collusion chez Sintra dénoncé par Théberge

En mai dernier, un ancien cadre de Sintra, Gilles Théberge, avait expliqué à la commission que les présidents de Sintra, DJL, Simard-Beaudry et Beaver Asphalte se sont entendus en 2000 pour constituer un cartel de producteurs d'asphalte.

Le cartel convenait des volumes d'asphalte que chacun devait produire et des prix plancher sur les différents produits qui seraient offerts aux entrepreneurs de Montréal et de la Rive-Sud avec, à la clé, des marges de profits de 30 %. Le président de Sintra à l'époque était Daniel Ducroix.

Normand Bédard qui est devenu président-directeur général de Sintra à l'été 2003, a fait valoir mardi que le chiffre d'affaires de l'entreprise est passé d'environ 150 à 180 millions de dollars, à la fin des années 1990, à 500 ou 600 millions en 2012, une situation qu'il attribue aux investissements majeurs consentis par Québec dans ses infrastructures à partir de 2007.

M. Bédard a expliqué qu'entre 60 % et 70 % des contrats de Sintra venaient du MTQ et des municipalités.

Les très nombreuses entreprises du groupe Bouygues/Colas/Sintra couvrent presque tout l'ensemble du territoire québécois, à l'exception de l'Outaouais, de la région au nord de Québec et de la Gaspésie.

M. Bédard est entré au service de Sintra comme ingénieur au milieu des années 1970 et a œuvré notamment à l'international pour l'entreprise avant de devenir directeur régional pour les régions de Sherbrooke, Granby et Centre-du-Québec.

Il devient vice-président construction en 2002 au siège social de Montréal puis, très rapidement, PDG de Sintra pour les Amériques, poste qu'il occupera jusqu'en 2010. Il sera enfin vice-président opérations de Colas Canada, le holding qui détient Sintra, jusqu'à son départ à la retraite en janvier 2012.

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Tony Accurso

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