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Algérie: Louiza Hanoune candidate aux "mains propres"

Algérie: Louiza Hanoune candidate aux "mains propres"

Collier de perles blanches autour du cou, cheveux de jais strictement noués en chignon, elle se dresse comme un I face à la salle et montre ses mains. "J'ai les mains propres", dit-elle de sa voix rauque, déclenchant une rafale de youyous et des "Louiza, Louiza".

Mme Louiza Hanoune, 60 ans, seule femme à se présenter à l'élection présidentielle du 17 avril, est une figure atypique mais incontournable du paysage politique en Algérie où elle jouit d'une grande popularité même dans les milieux conservateurs hostiles au militantisme féminin.

"J'ai les mains propres", insiste-t-elle, après avoir salué en arabe et en berbère. "Je n'ai pas réprimé, je n'ai pas bradé les entreprises, je n'ai pas opprimé les femmes".

Sur les sièges de la Maison de la Culture de Koléa, à une quarantaine de km à l'ouest d'Alger, il y avait beaucoup de femmes parmi les quelque 300 personnes venues accueillir la députée trostkyste, élue sans discontinuer depuis 1997.

L'élection du 17 avril "est un examen inédit dans l'histoire de l'Algérie indépendante", plaide la candidate dont le slogan est "pour une deuxième République" et le mot d'ordre "l'audace".

"L'audace pour l'impôt sur la fortune, pour la constitutionnalisation du droit de préemption, pour la suspension de l'accord d'association avec l'Union Européenne et du processus d'adhésion à l'OMC (organisation mondiale du commerce) et pour le retrait de la Zone arabe de libre échange (ZALE).

Ses cibles: les multinationales et la "main étrangère" qui, accuse-t-elle, qui a revêtu les habits des ONG pour tenter d'entraîner le pays dans une nouvelle spirale de violence.

Elle crible aussi de ses flèches le candidat Ali Benflis auquel elle dénie le statut de principal adversaire du président sortant Abdelaziz Bouteflika auquel elle voue une admiration non dissimulée.

"Elle sait que le président est entouré par des loups alors elle se rapproche de lui pour les démasquer", semble l'excuser Abdelkader, chauffeur de taxi d'une quarantaine d'années.

Nationaliste et communiste, Mme Hanoune est parfois qualifiée de "Chavez algérien". "Je ferai mieux que lui", glisse-t-elle sans fard à un journaliste de l'AFP. "Il a eu le couage de sortir son pays de l'emprise du FMI et de la Banque Mondiale mais il n'a pas annulé la dette", dit-elle au sujet de l'ex-président vénézuélien.

Femme au caractère bien trempé et au grand talent oratoire, Mme Hanoune, désignée par son prénom par les Algériens, a hissé le Parti des Travailleurs (PT - trotskiste), fondé dans la clandestinité dans les années 80 au rang d'une des principales formations politiques représentées à l'Assemblée nationale, derrière les partis qui forment l'Alliance présidentielle.

Ses convictions se sont forgées dans une lutte intransigeante pour l'abrogation du code de la famille qui relègue la femme algérienne à un statut de citoyenne de seconde zone.

A l'inverse d'autres féministes algériennes, elle n'est pas considérée comme appartenant à l'élite occidentalisée, s'exprimant en français et méprisant le peuple.

Diplômée de Droit de l'université d'Annaba (est), Mme Hanoune, bilingue, possède une maîtrise de la langue arabe assez rare parmi les dirigeants algériens. Grâce à un savant mélange de langue classique et de formules populaires, elle rend son discours intelligible.

C'est en juillet 1991, lors d'une grand-messe politique retransmise en direct par la télévision d'Etat, que les Algériens avaient découvert cette femme au franc-parler qui demandait avec fougue, la libération des principaux dirigeants du Front Islamique du Salut (FIS - dissous depuis), qui venaient d'être jetés en prison.

Pendant que l'Algérie s'enfonçait dans les violences, Mme Hanoune n'a eu de cesse de plaider pour une solution négocié, incluant le FIS, de la crise politique ouverte par l'annulation des législatives de décembre 1991 remportées par ce parti.

Au plus fort de la violence islamiste, Mme Hanoune n'a jamais déserté son appartement ni le siège de son parti dans le quartier populaire d'El Harrach, alors que la plupart des dirigeants politiques se retranchaient dans des quartiers bunkérisés.

"J'ai refusé l'offre d'habiter à Club des Pins", le sanctuaire de la nomenklatura, à l'ouest d'Alger. "Vous aimez les gueux, restez avec eux", lui aurait-on alors répondu, selon ses propos.

ao/ob

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